Deux jours après les violences qui ont endeuillé le Capitole, ébranlé l’Amérique et sidéré le monde, la présidence Trump était, vendredi 8 janvier, au bord de l’implosion. Appels à la démission, projets de procédure de destitution, déluge de critiques contre un président accusé d’avoir sapé les institutions et jeté de l’huile sur le feu : à douze jours de la fin de son mandat, Donald Trump, reclus dans la Maison Blanche, est extraordinairement seul.
Le ministère de la justice a annoncé que quinze personnes avaient été inculpées pour les violences commises au Capitole, dont l’homme photographié dans le bureau de la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui a été arrêté vendredi matin. « Nous sommes en mesure d’annoncer quinze inculpations par la justice fédérale », a déclaré lors d’un point-presse Ken Kohl, du bureau du procureur fédéral de Washington. Treize personnes ont déjà été formellement inculpées, notamment pour intrusion et désordre dans un bâtiment fédéral, et les autres le seront prochainement, a précisé le ministère dans un communiqué. Trois sont actuellement en détention, deux ont été remises en liberté après présentation à un juge.
Ken Kohl a précisé que parmi les personnes poursuivies se trouvait un homme soupçonné d’avoir déposé une bombe artisanale près du Congrès, mais aussi Richard Barnett, qui s’était introduit dans les bureaux de Nancy Pelosi. Un élu républicain du Congrès de Virginie occidentale, qui s’était filmé lors de l’intrusion, fait également l’objet de poursuites.
Par ailleurs, la justice locale a procédé à une quarantaine d’inculpations liées aux manifestations des pro-Trump à Washington mercredi, notamment pour violation du couvre-feu mis en place après l’assaut sur le Capitole, ou pour des infractions aux lois sur les armes à feu dans la capitale fédérale.
Seuls trois présidents sortants (John Adams en 1801, son fils John Quincy Adams en 1829 et Andrew Johnson en 1869) avaient refusé d’assister à l’investiture de leur successeur avant lui : jusqu’au bout le président américain, Donald Trump, campera sur ses positions. Dans l’un des Tweets laconiques dont il est coutumier, il a annoncé vendredi 8 janvier qu’il n’assisterait pas à la prestation de serment de son successeur, Joe Biden. « A tous ceux qui ont demandé, je n’assisterai pas à la prestation de serment le 20 janvier », a-t-il ainsi écrit.
Joe Biden s’est réjoui d’une telle décision. « C’est une bonne chose », a déclaré le président élu. Le vice-président encore en fonction, Mike Pence, sera « le bienvenu », a-t-il toutefois ajouté
Joe Biden a laissé vendredi au Congrès la responsabilité d’ouvrir ou non une procédure de destitution contre Donald Trump à douze jours de la fin de son mandat, comme le réclament de nombreux parlementaires démocrates. « Nous allons donc nous concentrer sur notre travail, et le Congrès peut décider de la manière dont il faut procéder » face à Trump, a déclaré M. Biden, tout en jugeant son prédécesseur « inapte » à gouverner.
Dans un message vidéo diffusé jeudi soir, le tempétueux milliardaire a enfin reconnu sa défaite, même s’il n’a à aucun moment cité – et encore moins félicité – son successeur démocrate.
Dans cet exercice, destiné à tenter de sauver la fin de son mandat, il a également dénoncé « une attaque odieuse » sur le Capitole sans jamais évoquer sa responsabilité dans un tel drame, qui a durablement terni l’image de l’Amérique à travers le monde. « Trop tard », ont réagi à l’unisson nombre de responsables démocrates autant que républicains, excédés, alors que les démissions au sein de l’équipe rapprochée de M. Trump et de son gouvernement se multiplient.
La sénatrice républicaine modérée Lisa Murkowski a appelé Donald Trump à démissionner après les violences au Capitole, première de son parti à sauter le pas à la chambre haute tandis que les démocrates réclament son départ immédiat. « Je veux qu’il démissionne. Je veux le voir partir. Il a causé assez de dégâts », a déclaré la parlementaire, déjà connue pour ses positions modérées qui l’ont parfois amenée à voter avec les démocrates.
Certains de ses détracteurs estiment que le plus simple serait que le 45e président se taise et laisse de facto le vice-président, Mike Pence, aux commandes jusqu’au 20 janvier, date à laquelle Joe Biden prêtera serment.
Pour Jeh Johnson, ancien ministre de la sécurité intérieure, toute personne ayant un peu d’influence sur Donald Trump devrait lui faire passer un message simple : « Montez dans Air Force One, partez à Mar-a-Lago et restez-y. » « Moins il en fera pendant les douze derniers jours [de son mandat], mieux ce sera, a estimé en écho le sénateur républicain Ben Sasse. Donald Trump a menti aux Américains, et les mensonges ont des conséquences. »
Nancy Pelosi, pour sa part, a déclaré vendredi s’être entretenue avec l’armée américaine pour s’assurer que M. Trump, un « président déséquilibré », ne puisse pas utiliser les codes nucléaires, tout en menaçant d’agir au Congrès s’il ne quittait pas rapidement le pouvoir. « Ce matin, j’ai parlé avec le chef d’état-major américain, Mark Milley, pour discuter des précautions disponibles afin d’éviter qu’un président instable ne lance des hostilités militaires ou n’accède aux codes de lancement et ordonne une frappe nucléaire », a ainsi écrit Mme Pelosi dans une lettre à ses collègues parlementaires.
Afp