La plateforme de location de logements entre particuliers Airbnb a dégagé 219 millions de dollars de bénéfice net de juillet à septembre, un signe que l’entreprise, qui s’apprête à entrer en Bourse, semble avoir la capacité de bien résister à la pandémie, un fléau sans fin pour ses concurrents.
La société née à San Francisco il y a 13 ans a créé un concept qui a bouleversé l’industrie des voyages professionnels et du tourisme, avec 4 millions d’hôtes à son compteur. Mais elle a été heurtée de plein fouet par les mesures sanitaires imposées dans le monde à l’hiver et au printemps dernier: son chiffre d’affaires des 9 premiers mois de 2020 a plongé de 32% sur un an, à 2,5 milliards de dollars.
Le Covid-19 « va continuer d’avoir un impact négatif sur nos résultats opérationnels et financiers sur le long terme », reconnaît le groupe californien, qui a publié lundi son dossier officiel pour son arrivée prochaine à Wall Street. Le quatrième trimestre, notamment, est mal parti, alors que la résurgence actuelle de la maladie entraîne de nouveaux confinements, notamment en Europe.
Comme en mars, « nous assistons à une diminution des réservations dans les régions les plus touchées », commente la société, qui s’attend à plus d’annulations à la fin de l’année que pendant l’été. « Cependant, nous pensons qu’au fur et à mesure que le monde se rétablit de la pandémie, Airbnb va être une source vitale d’émancipation économique pour des millions de personnes ».
« Résilience » : L’entreprise a notamment trouvé une bouée de sauvetage dans l’appétit pour les longs week-ends et vacances à proximité de chez soi, faute de pouvoir voyager. Elle constate aussi que « les séjours de plus de quelques jours ont commencé à augmenter alors que le +travail à la maison+ est devenu le +travail depuis n’importe quelle maison+ sur Airbnb ». « Nous pensons que les frontières entre voyager et vivre quelque part deviennent floues, et que la pandémie a accéléré les opportunités de vivre n’importe où », insiste le groupe fondé par Brian Chesky et Joe Gebbia, qui ont commencé par louer des matelas gonflables dans leur appartement le temps d’un congrès à San Francisco, fin 2007. « Notre plateforme a prouvé sa capacité à s’adapter à ces nouvelles formes de voyages ».
En 2018 et 2019, le groupe avait déjà dégagé un profit pendant la saison estivale, contrairement aux autres trimestres. Mais il a baissé en 2019 (-21% à 267 millions de dollars) et en 2020 (-17% à 219 millions). Ces bénéfices nets constituent néanmoins un signal positif pour les investisseurs: d’autres sociétés relevant de la « gig economy », ou économie du partage, comme Uber, entré en Bourse l’année dernière, n’ont jamais réussi à être rentables. « Nous croyons que la stabilité de nos annonces actives démontre la résilience de notre modèle économique, qui ne nécessite pas d’investissements dans l’immobilier », souligne aussi la société.
Mieux qu’un « hôtel bondé » : Airbnb avait démarré son processus d’entrée en Bourse à l’été, suivant un dispositif qui permet notamment de s’exposer plus en douceur aux marchés, qui se sont avérés redoutables pour d’autres licornes (entreprises non cotées valorisées à plus d’un milliard), comme WeWork.
Brian Chesky et Joe Gebbia ont mis près de deux ans pour créer la plateforme sous son nom actuel et lever, après avoir essuyé de nombreux refus, 600.000 dollars auprès d’un fonds d’investissement. Elle a ensuite connu une croissance spectaculaire. A ce stade, les hôtes ont accueilli plus de 825 millions de clients et gagné plus de 110 milliards de dollars en tout.
En chemin, Airbnb a cependant dû faire face à une fronde des municipalités (Paris, Berlin, Barcelone…) et des hôteliers, qui s’inquiètent de voir des logements privés se transformer de facto en hôtels, privant les habitants de logements, favorisant la spéculation immobilière et créant un manque à gagner pour le secteur hôtelier traditionnel. Et surtout, plus récemment, la pandémie a fait douter de la viabilité du modèle du groupe.
En avril, il a levé 2 milliards sous forme d’emprunts, et en mai Brian Chesky a annoncé le licenciement d’environ 25% de ses 7.500 employés dans le monde. Mais selon Arun Sundararajan, professeur à la New York University et chercheur sur l’économie du partage, la plateforme a su construire une relation de confiance avec ses utilisateurs, notamment grâce à de nouvelles règles sanitaires. « Au fur et à mesure que les gens reprendront les voyages, ils s’orienteront vers des espaces sur lesquels ils sentiront qu’ils ont un contrôle », disait-il à l’AFP en mai dernier. « Ils ne voudront pas traverser de réceptions d’hôtel bondées ».
Afp