Dans cet entretien, le spécialiste de la transition énergétique, M. Hasni s’exprime sur différents sujets d’actualité du domaine y compris l’importance du recours aux énergies renouvelables pour soulager la pression sur les énergies traditionnelles, mais aussi sur l’ouverture de l’Ecole nationale supérieure des énergies renouvelables, de l’environnement et du développement durable.
Algérie-Eco : Le ministre de l’énergie a déclaré récemment que l’Algérie n’a pas les capacités techniques, financières et humaines pour concurrencer les grandes entreprises internationales, comme Exxon Mobil ou BP. Pourquoi à votre avis?
M. Hasni : Je ne me permettrais pas de commenter le Ministre de l’Energie, cependant, je n’ai pas compris de la même façon que vous cette information donnée par le Ministre. Il avait dit que les réserves restantes d’hydrocarbures qui sont la moitié des réserves initiales impliquent que Sonatrach doit, à défaut de nouvelles découvertes importantes qui sont improbables selon le Ministre, optimiser et rationaliser les réserves existantes. L’économie des ressources énergétiques restant une priorité.
Le Ministre à ajouté que Sonatrach ne disposait pas des moyens financiers et technologiques nécessaires à l’instar des grandes entreprises internationales. Il ne s’agit pas de concurrencer.
Le recours aux énergies renouvelables soulagera la pression sur les énergies traditionnelles, le gaz, l’électricité et autres, quelle est la meilleure stratégie à adopter pour le développement de ce secteur en Algérie?
Le recours aux énergies renouvelables doit s’inscrire dans la cadre de la sécurité énergétique. En effet, on ne peut se satisfaire des réserves restantes d’hydrocarbures au détriment des générations futures puisqu’il est admis qu’il n’y aura plus de nouvelles découvertes importantes et rentables.
Il est clairement affirmé que ces réserves totalement utilisées ne permettent pas de passer le cap de l’horizon 2040.
Nous avons clairement défini que seul le solaire qui lève la contrainte de l’intermittence qui pénalise l’éolien et le photovoltaïque peut être la solution. La Sécurité est assurée pour l’éternité du moins à la fin des temps. D’autre part, lorsqu’on parle de ressources stratégiques souveraines, il est important de rappeler que la souveraineté ne peut s’appliquer que pour les ressources minières. Le droit international restreint la souveraineté sur le solaire. C’est la brèche qui potentiellement permet une ingérence si nous n’exploitons pas notre immense potentiel solaire qui représente 258 fois toutes les ressources hydrocarbures conventionnelles et non-conventionnelles réunies.
Au moment où le Monde entier s’engage résolument dans la transition énergétique. Après la Chine qui a annoncé son net-zéro émission, suivi du Japon, de pays européens et par les engagements du candidat Mr Biden aux présidentielles US. Lorsque presque tous les majors pétroliers s’engagent dans le renouvelable.
Il faut aussi comprendre que la sécurité énergétique de certains pays restera dépendante de ressources renouvelables étrangères. L’Australie s’est déjà positionnée en hub électrique pour l’Asie.
Nous devons avoir les mêmes ambitions avec l’Europe. Nous devons être le Hub énergétique (électrique et chaleur) de l’Europe et nous avons les moyens. Les hésitations peuvent être fatales. Il faut agir vite sinon d’autres solutions s’imposeront à l’Europe.
Il faut réduire les ambitions européennes de remplacer le gaz par l’Hydrogène. Les voies d’exploiter les énergies renouvelables intermittentes ne sont pas réalistes et ils le savent.
Quel partenaire l’Algérie pourrait choisir pour développer son énergie renouvelable?
Il ne s’agit pas d’un seul projet, comme le prouve le programme que nous avons évalué : 2020-2030 : 14000MW pour nos besoins et 10 000 MW export, 2030-2050 : 6000 MW pour nos besoins et 36 000 MW export.
Il faut rester dans l’action pour conserver notre crédibilité et il ne faut pas un seul partenaire. Le programme est énorme et s’inscrit dans notre volonté de passer à 100% aux énergies renouvelables avant la fin du siècle avec un objectif de 65% en ENR à l’échéance 2050.
Les partenaires sont là : Les Européens, les Chinois, les USA, certains pays du Golfe disposant de moyens financiers. En premier lieu notre pays qui dispose du savoir, de l’expérience et avec des capacités industrielles en mesure d’assurer une intégration d’au minimum de 40% pour arriver à 80% à court terme.
L’Ecole nationale supérieure des énergies renouvelables, de l’environnement et du développement durable a été inauguré dernièrement. Quel est son rôle dans le développement énergétique?
C’est une bonne initiative, les besoins en formation restent à la hauteur de nos ambitions. Il nous faut former d’ici 2050 près d’un million de personnes : 800 000 techniciens, 100 000 ingénieurs et 100 000 experts selon l’agence internationale des renouvelables (IRENA).
L’école supérieure mentionnée ci-dessus est loin d’être suffisante. Cette formation spécialisée est prise aussi en charge par l’Institut Algérien du Pétrole pour une formation post graduée d’ingénieurs qui auront été formés par les Ecoles polytechniques.
Le plus gros des effectifs à former reste les techniciens et l’IAP est en mesure de les prendre en charge par des Instituts de formation de techniciens sur les sites d’implantation des futures centrales : Hassi R’Mel, Hassi Messaoud, Adrar, In aménas