En dépit des pronostics pessimistes relatifs au prix des hydrocarbures et du, non moins, bon état des lieux de la production pétro-gazière, les autorités politiques algériennes continuent toujours à miser sur les énergies fossiles, pour financer la demande économique et sociale de la nation. L’accumulation des capitaux n’étant plus du ressort exclusif de l’Etat, comme au temps de l’Algérie socialiste, n’est-il pas indiqué de réfléchir dés à présent à impliquer fortement le privé dans la prise en charge d’une part plus conséquente du développement économique et social du pays ? Le privé pourrait à titre d’exemple prendre en charge la totalité du secteur commercial et être davantage présent dans les activités minières (fer, phosphates, or, terres rares etc.) et, pourquoi pas, dans la production et la commercialisation des hydrocarbures qui restent aujourd’hui encore sous monopole de l’Etat. L’implication du privé dans autant de domaines d’activité, sera évidemment progressive et sous étroite surveillance de l’Etat régulateur. Il ne faut plus que les entreprises publiques économiques en faillite (Il y en aurait plus de 1000) continuent à vivre sous perfusion aux crochets de l’Etat, qui doit les mettre en vente au plus tôt pour épargner environ 400 milliards de dinars d’assainissement et recapitalisations financières annuelles, et pourquoi pas, tirer de gros bénéfices de la vente de leurs actifs qui iront renforcer le secteur privé, plus enclin à en tirer de la valeur ajoutée.
Les autorités algériennes doivent effectivement prendre conscience que la situation qui avait prévalu, à l’aune du choc pétrolier de 1986, est tout à fait différente de celle qui s’est installée, sans doute pour de longues années, depuis février 2014. Au moment où la crise financière éclatait dans le sillage de la crise pétrolière de 1986, il faut en effet savoir que la valeur des capitaux détenus par un nombre très limité d’hommes d’affaires, était insignifiante et de, surcroît, invisible. L’État ne pouvait donc pas compter sur eux pour prendre en charge, ne serait-ce, qu’une petite part du financement des projets de développement. Ce n’est évidemment pas le cas aujourd’hui. Des milliers d’hommes d’affaires ayant accumulé des fortunes à la faveur de trente années d’ouverture économique, existent et ne demandent qu’à être sollicités, pour investir là où l’Etat, financièrement affaibli par le déclin des recettes pétrolières, ne peut plus le faire.
La nécessité de faire appel aux promoteurs privés est d’autant plus grande que l’Etat est contraint de réserver une part de plus en plus grande de ses encaisses, au paiement d’environ 3 millions de fonctionnaires, auquel s’ajoutent des transferts sociaux et un train de vie si élevés, qu’ils ne laissent pratiquement plus rien au financement du développement économique et social du pays. Le gouvernement tente épisodiquement de doper ses budgets annuels au moyen de dévaluations du dinar, mais la course aux dépenses de fonctionnement (recrutement de fonctionnaires, dépenses d’armement, soutien aux entreprises publiques en faillite, accroissement des importations de produits alimentaires de première nécessité etc.) est si forte que les recettes disponibles s’avèrent rapidement dépassées par la progression exponentielle des dépenses de fonctionnement.
L’étranglement financier de l’«État entrepreneur » est si fort, qu’il requiert d’aller vers de nouveaux moyens d’entreprendre et de financer le développement économique et social. Comme cela se passe dans pratiquement dans tous les pays du monde, le développement est entrepris collectivement par toutes les forces vives de la nation et, à fortiori, par ceux qui détiennent des capitaux, des moyens matériels et du savoir faire. Prendre le risque de développer le pays au moyen des maigres ressources actuellement disponibles, c’est se condamner d’avance à l’échec, avec toutes les graves répercussions sur les citoyens les plus démunis Pour ce faire, il faut absolument que l’Etat parvienne à mettre en place les mesures incitatives requises, au premier rang desquelles, la résolution de la crise politique, la confiance et la liberté d’entreprendre, à défaut desquelles, les détenteurs de capitaux ne s’impliqueront jamais.
La présence d’une manne colossale de capitaux détenus par des milliers d’hommes d’affaires (Plus 5000 hommes d’affaires algériens seraient millionnaires en dollars selon l’institution internationale WWF) le fichier du registre de commerce algérien aurait enregistré en 2015 pas moins de 50 000 importateurs déclarés, et plus de 100 000 sociétés de services. Le nombre de milliardaires installés dans divers segments du marché informel est également très important. Un tel constat est à l’évidence, à plaider pour un partenariat Public-Privé, en prenant toutefois la précaution d’encadrer intelligemment leurs contributions respectives. Il ne s’agit pas en effet, de reverser dans ce qui s’est produit dans un passé récent, avec l’émergence d’une puissante caste d’oligarques et de hauts fonctionnaires corrompus, qui avaient puisé leurs fortunes et leurs puissances politique, de cette proximité contre nature. Il ne faut absolument pas les oligarques qui viennent d’être chassés par un clan du pouvoir, soit remplacé par d’autres et, pour ce faire, il faut absolument que le gouvernement impose la transparence dans l’octroi des marchés publics en confiant, par exemple, l’ingénierie financière des grands projets à des institutions indépendantes comme par exemple la Banque Mondiale ou la Banque Africaine de Développement, ce qui se faisait du reste, avant l’arrivée de Bouteflika qui mit fin à cette précieuse collaboration.
Au gré de l’importance des projets qu’ils seraient appelés à promouvoir, la participation du privé algérien pourrait, selon les cas de figure, prendre la forme d’un financement intégral, d’un B.O.T, d’un partenariat public-privé et autres formules de nantissement à concevoir. Les activités susceptibles de requérir leurs contributions sont aussi nombreuses que variées, mais on peut d’ores et déjà citer, le tourisme, l’agroalimentaire, toute la variété des transports publics, les différentes formes de promotions immobilières, la culture, les infrastructures routières, aéroportuaires et portuaires, pour ne citer que ces domaines.
Nordine Grim