Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a accordé hier mardi, un entretien exclusif, en duplex d’Alger, au journal français l’Opinion qui organisait, avec l’agence de communication 35° Nord, la web conférence « Gouvernances, afri-capitalisme et soft power : la nouvelle donne africaine ».
Interrogé sur les premières décisions prises an après le début des manifestations populaires pour restaurer l’autorité de l’Etat, le président Tebboune a indiqué que « le 22 février 2019, pratiquement toute la population est sortie dans la rue pour exprimer son ras-le-bol par rapport à tout ce qui s’était passé les deux à trois années précédentes ».
Il a rappelé que cela « s’était achevé par une comédie de préparation d’une élection pour un cinquième mandat, sachant que le président Bouteflika était devenu impotent… Le hirak « béni » a mis fin à cette comédie ».
il a indiqué que ce mouvement populaire et civilisé qui était « protégé par l’armée et les services de sécurité », s’est exprimé de façon « très politique et très pacifique. Ses représentants avaient plusieurs doléances : l’arrêt du processus électoral, la fin du quatrième mandat, un changement radical de la gouvernance… Ce furent les premières élections propres et transparentes ».
Pour le président de la République, le plus difficile fut de « regagner la confiance de ce peuple désabusé par des années de gestion folklorique qui tenait de la république bananière ».
Il fallait montrer que le changement était radical au niveau de la gestion locale, régionale, nationale. Nous avons procédé à des changements dans tous les corps de l’Etat et nous nous sommes attelés à fournir les efforts pour que l’avant-projet de Constitution soit le reflet réel de la demande populaire de changement, comme je m’y étais engagé durant la campagne… La paix et la sérénité sont revenues.
« Nous sommes sur le bon chemin du retour de la confiance des Algériens envers leur Etat et leurs responsables et, à leur tête, leur président de la République », a-t-il souligné.
Questionné sur les ONG et les personnalités algériennes qui ont dénoncé une répression à l’égard de journalistes et des militants du hirak, le président affirmé que « nous avons dépassé depuis longtemps la période de l’unanimité et de l’unanimisme ».
« Il y aura toujours des voix discordantes. Chacun voit les choses à sa manière. Une République qui cherche à entamer une vraie démocratisation de la vie publique tient compte de l’avis de la majorité tout en respectant les avis minoritaires », a-t-il expliqué.
Le président Tebboune a affirmé que le premier édifice que nous allons construire ensemble avec l’acceptation du peuple était d’avoir une constitution il faillait au préalable changer de comportement vis-à-vis de la population dans le cadre de la gestion locale régionale et nationale.
« Il n’y pas de répression et il n’y aura pas de répression je m’y suis engagé. Il y a protection de l’ordre public », a soutenu le président Tebboune qui a affirmé qu’à aucun moment, les arrestations se sont faites sur la base des idées, des slogans ou du fait d’être opposant à ce qui se fait. Aucun journaliste n’a été arrêté pour le fait d’être journaliste.
Évoquant l’intégration des jeunes, Abdelmadjid Tebboune a affirmé que l’Etat vas aider les jeunes à émerger en tant que force économique réelle du pays. Nous avons commencé l’intégration des jeunes dans la vie économique avant-hier, faisant référence nationale des startups « Algeria-Disrupt 2020 » qui s’est ouverte samedi dernier et qui a vu le lancement officiel du Fonds de financement des startups.
Le président Tebboune a indiqué que les startups algériennes deviennent une réalité sur le plan politique. « Je me suis engagé à introduire le maximum de jeunes au niveau des instances élues, notamment à l’Assemblée nationale », a-t-il indiqué, ajoutant qu’ils seront là pour représenter le peuple de manière plus moderne et moins affectée par les déviances, parce que les jeunes sont restés honnêtes, ils n’ont pas répondu aux chants de sirènes des oligarques.
Interrogé pour savoir s’il y a un parallèle entre le Hirak et le printemps arabe, Abdelmadjid Tebboune a indiqué que « nous nous prévalons d’une exception. Nous sommes exceptionnels en Afrique et au Maghreb », faisant référence à la guerre de libération.
L’Algérie n’a pas vécu ce qu’ont vécu les pays arabe le printemps arabe. Le 5 octobre 1988 était notre propre printemps arabe et nous sommes passés d’un parti unique à 70 partis en l’espace de quelques mois, a souligné le président qui estime que l’Algérie avait fait à cette époque « une entrée dans la démocratie d’un pas de géant ».
Pour le président Tebboune, la société s’est complètement métamorphosée, le pouvoir aussi. Le multipartisme a aidé à l’introduction de nouvelles idées dans la démarche politique et économique. Le pays a commencé à entrer dans le libéralisme pour sortir de l’économie administrée et socialiste.
Cette démocratie à laquelle tout le monde aspirait a été pratiquement squattée par un mouvement islamiste qui s’en est emparé et nous sommes entrés dans les ténèbres de la transition qui a duré une dizaine d’année, avec un nombre de victime incalculable et des pertes économique énormes, a expliqué le président. .
Il a souligné qu’à la fin des années 2013-2014 on a commencé à voir les mêmes déviations, mais ce n’était plus l’islamisme mais un pouvoir adossé à une kleptocratie qui s’est emparé des richesses du pays, ce qui a donné le Hirak béni du 22 février.
Crise malienne et libyenne
Abordant la crise au Mali, Abdelmadjid Tebboune a rappelé que les pays maghrébins en principe ont fait leur mue, le reste de l’Afrique est resté sur l’héritage colonial. La misère aidant, la pauvreté et la manque de structure de l’Etat ont fait que il y au une certaine fragilité, tout en souhaitant que ce qui s’est passé au Mali ne soit pas le début d’un printemps africain.
Selon le président Tebboune, la crise malienne est triple : il y a une crise politique, de gouvernance. Une remise en cause presque générale de la gouvernance telle qu’elle s’exerçait par le président, doublée d’une fragilité économique et sociale, le terreau de toutes les menaces qui guettent les pays africains. Ce sont des pays très jeunes auxquels on présente des schémas de gouvernance proches de ceux qu’ils avaient à l’indépendance.
La démocratie est le seul terreau favorable à tout développement humain et économique, estime le président qui a affirmé que la solution malienne est à 90% algérienne. C’est une vérité géographique et historique.
Le président a évoqué les raisons de la crise malienne, en soulignant « la dichotomie » entre le Sud et le Nord du Mali qui est sous-développé que le Sud. Un problème qui a été mal géré depuis le début, selon le président qui a affirmé que la solution était les accords d’Alger où pratiquement tous les protagonistes se sont retrouvés et ont accepté un mode d’emploi pour régler ce problème-là et reprendre une intégration du Nord et du Sud à travers des actions politiques et économiques.
Pour ce qui est de la Libye, le président estime que faire de l’agitation diplomatique ne donnera rien. Le seul moyen de reconstruire la Libye et la légitimité populaire est d’organiser des élections quelques soient les difficultés, les organiser régions par région s’il le faut, a martelé le président.
Il faut une émanation populaire et légitime, a préconisé le président Tebboune qui a souligné la nécessité d’aller vers la reconstruction de toutes les institutions libyennes, en rappelant que cela fait neuf ans que le monde qui s’intéresse à la Libye patauge dans des petites solutions qui ne donnent rien.
Interrogé sur le président français Emmanuel Macron, Abdelmadjid Tebboune a affirmé avoir confiance en le président Macron, en son raisonnement et sa probité. Nous travaillons sur beaucoup de sujets mais des lourdeurs subsistent, a regretté le président Tebboune qui a rappelé que concernant nos relations bilatérales, il est allé aussi loin.
Pour ce qui est de la gestion des crise au Mali et en Libye, nous avons des visions assez proches et nous n’avons aucune ambition géopolitique ni économique, a affirmé le président, ajoutant que « nous avons une vision de sauvetage de nos frère au Mali et en Libye ».
Il a expliqué que la vision, ne tient pas qu’au président de la République française, peut-être que c’est une vision d’une ancienne puissance coloniale, mais l’objectif est de stabiliser le Mali, d’aider les Maliens à lutter contre le terrorisme et je suis sûr que le président Macron a de très bonnes intentions vis-à-vis du Mali.