Facebook devrait revendre Instagram, Google se séparer de YouTube et Amazon ne plus promouvoir ses propres produits sur sa plateforme : pour certains élus américains, c’est la seule façon d’empêcher les abus de position dominante dont ils accusent les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon).
Les géants de la tech ont « leur propre quasi-réglementation privée qui ne s’applique qu’à eux-mêmes », estiment des parlementaires démocrates, dans un rapport publié mardi, après plus de 15 mois d’enquête et d’auditions avec les responsables des quatre entreprises. « Pour le dire simplement, ces géants qui étaient autrefois des petites start-up, remettant en question le statu quo, sont devenus le genre de monopoles que nous n’avions pas vus depuis l’ère des barons du pétrole et des magnats des chemins de fer », insistent-ils en introduction du document de 449 pages.
Ces élus de la Chambre des représentants appellent en conséquence à des « séparations structurelles pour empêcher ces plateformes d’opérer dans des secteurs d’activité qui dépendent ou interagissent avec elle ». Ils veulent notamment mettre fin aux situations où une entreprise est à la fois juge et partie – comme Apple sur l’App Store, son magasin d’applications mobiles ou Amazon sur sa plateforme de vente en ligne. « Les grandes entreprises ne sont pas dominantes par définition, et l’hypothèse selon laquelle le succès ne peut qu’être le résultat d’un comportement anti-compétitif est simplement fausse », s’est insurgé le géant du e-commerce dans un communiqué sur son blog.
A qui profite l’acquisition : Le débat revient de plus en plus fréquemment aux Etats-Unis, à mesure que monte la grogne contre les Gafa, toujours plus riches et plus puissants. La pandémie et le Grand confinement les ont même renforcés, alors que les grandes entreprises d’autres secteurs ont dû licencier des milliers de personnes. Mais leur pouvoir économique, les sociétés de la tech l’ont « accru et exploité sur les marchés financiers de manière non-concurrentielle », affirment les présidents de la commission judiciaire Jerry Nadler, et celui de la sous-commission antitrust David Cicilline, dans un communiqué de presse.
Le rapport recommande que les plateformes autorisent une « interopérabilité » avec les équipements de leurs concurrents et l’établissement d’une « norme » pour interdire les acquisitions qui nuisent à la concurrence. Cette mesure vise notamment Facebook, dont le patron, Mark Zuckerberg avait été longuement interrogé sur le rachat d’Instagram, fin juillet, lors d’une audition des dirigeants des quatre groupes par la commission. « Facebook voyait Instagram comme une menace (…), donc (…) ils les ont rachetés », avait martelé Jerry Nadler, fustigeant le manque de compétition sur le marché des réseaux sociaux.
Le rapport réalisé par l’équipe de la commission judiciaire n’a toutefois pas été validé par ses membres républicains, et les mesures préconisées ne devraient ainsi même pas être examinées au Sénat, contrôlé par les républicains. Cela souligne les divergences entre les deux partis, qui critiquent souvent de concert les géants de la tech mais pour différentes raisons.
« 1% » : « Malheureusement ce rapport partisan des démocrates (….) fait des propositions radicales », a commenté l’élu républicain Jim Jordan, évoquant une « vision d’extrême gauche ».
Matt Schruers de l’Association de l’industrie de l’informatique et des communications, qui regroupe la plupart des grosses entreprises du secteur, estime que les élus n’ont pas compris l’économie numérique. « S’il s’agit simplement de heurter des entreprises américaines qui réussissent, alors peut-être que ce plan va marquer des points », a-t-il commenté.
Dans son argumentaire, Amazon fait remarquer qu’il ne représente « qu’1% des 25 mille milliards de dollars du marché de la distribution mondiale et moins de 4% de la distribution aux Etats-Unis ». Selon le groupe de Seattle, les propositions du rapport forceraient les vendeurs tiers à quitter la plateforme, donc à perdre en visibilité, menaçant au final les emplois des PME et réduisant la compétition, au détriment des consommateurs. Mais le rapport des démocrates a semblé satisfaire Athena, un collectif d’organisations anti-Amazon. « Cette enquête montre à quel point Amazon et les +Big Tech+ se fichent des principes fondamentaux de notre démocratie », a commenté Dania Rajendra, la directrice du groupement, dans un communiqué.
Selon elle, « le public américain attend maintenant de nos élus qu’ils suivent ce rapport avec une loi pour diviser Amazon et réécrire les règles anti-monopole, afin que les travailleurs ne soient pas sacrifiés pour les profits d’Amazon », a-t-elle ajouté.
Plusieurs enquêtes antitrust sont encore en cours, au niveau du gouvernement fédéral et des Etats.
Afp