La question de l’endettement extérieur alimente toujours les débats. Pour l’ex ministre du trésor, Ali Benouari, plusieurs facteurs plaident pour aborder cette problématique de manière décomplexée et rationnelle.
Le premier, selon lui, est que l’endettement extérieur pourrait pallier à l’insuffisance de l’épargne intérieure. Cette épargne est aujourd’hui de l’ordre de 40%, mais elle ne cesse de décliner depuis son pic de 2006 (57 %). Il explique que les prévisions de la banque Mondiale la situent autour de 27% en 2025, soit à un niveau jamais atteint depuis 1990. L’endettement extérieur est donc un excellent moyen pour pallier à cette insuffisance et relancer l’investissement et la croissance.
« Il aiderait à financer des projets à fort impact social et économique, à l’instar du doublement et de l’électrification de nos lignes de chemin de fer, (projet initié au début des années 2000 et inexplicablement abandonné), ou encore la réalisation de notre ambitieux projet de développement des énergies renouvelables. Nous éviterons aussi de freiner les investissements dans le domaine du pétrole et du gaz, parfaitement éligibles aux crédits extérieurs. Les banques multilatérales de développement comme la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement et les fonds de développement spécialisés s’empresseront de financer ces projets. Leurs lignes de crédit, peu coûteuses et à maturité longue ne pèseront pas sur notre indépendance financière », estime M. Benouari pour qui l’endettement extérieur est un pari sur le développement du pays, tout le contraire du pari sur une hypothétique augmentation du prix du pétrole.
Ensuite, ajoute-t-il, parce que tous les endettements ne se valent pas. N’est pas sain l’endettement qui vient financer des biens de consommation. Est acceptable celui qui finance des projets de développement structurants, rentables et ceux qui sont tournés vers l’exportation. Car ce type d’endettement crée de la richesse et s’auto-rembourse, d’une manière ou d’une autre.
Le troisième facteur est, selon M. Benouari, la diversité des formes d’endettement. « C’est ainsi que l’on peut s’endetter en liant le financement d’un projet à sa capacité à générer les ressources qui assureront son remboursement. C’est le cas de ce qu’on appelle le « project finance », qui est adossé au système de concessions. Il s’auto-rembourse grâce aux recettes générées par le projet. C’est une sorte d’investissement (IDE), mais avec la différence qu’avec le « project finance » la dette s’éteint complètement au terme de la durée de la concession. Le potentiel de ces financements particuliers est infini. Peuvent être financées par ce biais des lignes de chemin de fer et des autoroutes à péage, des centrales électriques, des fermes solaires photovoltaïques et éoliennes, des raffineries, etc. Bref, tout ce qui entre dans la sphère marchande et qui dispose d’un débouché garanti », explique-t-il.
Une quatrième raison est que l’endettement extérieur, précise-t-il, permet d’opérer un meilleur contrôle sur les coûts et les délais des investissements. Contrôle assuré conjointement par le bailleur de fonds et l’Etat.
La cinquième raison réside, selon lui, dans le fait qu’il est une bonne arme de lutte contre la corruption, car les bailleurs de fonds contrôlent aussi les procédures d’appels d’offres. Cela mettra un frein aux dérives observées, comme celle de l’autoroute Est-Ouest, la plus chère au monde.
« Il faut enfin réapprendre à revenir sur les marchés financiers, après une longue absence pendant laquelle nous avons perdu toute expertise en matière de négociation de contrats et d’approche des marchés financiers. Nous aurons bien besoin de cette expertise le jour où nous devrons revenir sur ces marchés. Cela dit, il faut veiller, en toutes circonstances, à ne pas dépasser le ratio du service de la dette (remboursement en principal et en intérêts) , qui est communément fixé à 25% des revenus en devises du pays », conclue M. Benouari.