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Souhil Meddah (expert financier) : « Une relance économique se doit d’avoir une anticipation stratégique et une préparation technique »

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L’économie algérienne est confrontée à deux crises majeures: la première est une crise financière et économique due à la baisse des prix du pétrole entamée à la mi-juin 2014. La deuxième est due à la crise sanitaire mondiale causée par la propagation du coronavirus Covid-19.

Face aux conséquences de ces deux crises qui se juxtaposent, le gouvernement algérien a tenu les 18 et 19 août 2020 une conférence sur la relance économique et sociale. Dans cet entretien, l’expert financier et directeur général du cabinet RMG Consulting, Souhil Meddah, nous apporte son point de vue sur la situation que traverse le pays.

Algérie-Eco : Vous avez participé à cette conférence en tant qu’expert. Quel bilan général faîtes-vous de cette réunion ?

Souhil Meddah : La particularité de cette conférence réside dans sa composition effective et la méthode dont elle a été sélectionnée. Le but étant d’entretenir des travaux et des débats techniques avec tous les partenaires présents.

Il faut aussi rappeler que cette conférence s’est tenue dans une phase ou le modèle économique ciblé n’a pas encore été mis sur la table des négociations, car il est toujours question d’évoquer des objectifs sectoriels prévus, sans que le modèle de croissance ne soit identifié. Il est aussi question de son contexte qui est caractérisé par une donne conjoncturelle très particulière, qui nous impose à procéder très vite a un traçage d’une relancé économique capable de redresser la donne dans des délais pouvant coïncider avec l’évolution de nos indicateurs actuels. Que ces indicateurs soient dans le vert, l’orange ou le rouge, une relance économique se doit d’avoir une anticipation stratégique donnée et une préparation technique très factuelle.

En parlant de la relance économique, il est entre autres nécessaire de souligner qu’il y’avait dans le passé des modèles économiques qui au fur et à mesure de leurs périodes devaient fournir de la croissance tout en garantissant des critères favorables pour d’autres transitions futures.

Il y’a toujours eu une politique budgétaire et une politique monétaire, sachant que les deux se heurtent et se complètent, mais elles restent les piliers d’une politique économique. C’est pour ça qu’il est temps d’ajuster les erreurs de gestion du passé, les dépassements budgétaires, les mauvaises directions monétaires, et les exagérations sociales et extra sociales du passé.

L’histoire de l’économie du pays est passée par plusieurs périodes et plusieurs phases. Celle des années 1970, période de la création de la base industrielle, suivie de la période des années 1980, période qui a connu un ralentissement de la majorité de ses activités internes, mais aussi avec la naissance des premières niches des subventions immoralement exagérées.

La crise économique des années 1990 a vraiment compliqué les équilibres entre les besoins socio-économiques effectifs par rapport aux stocks des revenus et des engagements qui existaient vis-à-vis de la dette publique extérieure, du service de la dette, face au plan d’ajustement structurel qui nous a été imposé à l’époque. Pour qu’enfin la première politique de relance des années 2000 ne vienne soutenir les postes de croissances, avec le lancement des projets des infrastructures socio-économiques, qui actuellement doivent nous servir pour mettre en œuvre un modèle économique capteur de ressources diverses et transmetteur des valeurs et de richesses importantes.

Durant cette conférence du 18 et du 19 août, il a été beaucoup plus question de collecter les propositions des compétences de toutes sources confondues, pouvoirs publics, partenaires sociaux et experts, pour pouvoir mettre en place les galons qui traceront et exécuteront progressivement les feuilles respectives de route par secteurs et par activités ciblées.

Le discours d’ouverture prononcé par le Président de la République était intercepté par les participants comme un briefing avant démarrage des travaux des ateliers, afin de concentrer les efforts sur des recommandations et propositions techniques.

Quelles sont les annonces et les recommandations qui vous semblent à même de sortir le pays de sa dépendance aux hydrocarbures ?

Les batteries de recommandations qui ont été présentées à la fin des travaux, s’articulaient autour de quatre axes importants. Le premier étant de converger et d’appuyer la politique de développement dans le secteur primaire agricole, il était dans ce sens important d’exposer plusieurs critères de gestion et d’exploitation de ce secteur afin de rendre efficient son fonctionnement. Le deuxième axe sur le domaine industriel s’enchaînait à la fois avec le premier axe mais s’élargissait aussi sur d’autres domaines des innovations, de l’exploitation du savoir-faire et de l’organisation de l’acte d’investir, avec notamment l’impératif de rendre les conditions d’investissement facilement abordables adossées sur un rôle très flexible et très dynamique de l’administration central ou local. Le troisième axe avait comme objectif de détecter les instruments et mécanismes nécessaires de financement et de rendement pour le compte des secteurs en voie de relance ou de développement, avec notamment une implication directe des politiques budgétaires et monétaires qui caractérisent la mise en œuvre d’une politique économique donnée. Et enfin dans le cinquième axe, il était aussi question de rappeler le rôle important et fondamental que doit jouer les secteurs des soutiens à l’investissement d’une part, à l’exportation d’autre part et aux critères logistiques qui en découlent.

Le président a réitéré son refus de recourir à l’endettement extérieur, sachant que les réserves de change s’établissent à 57 milliards de dollars. Le recours à la planche à billets est-il inévitable ?

Si dans le cas où nous seront appelés à recourir à une politique budgétaire dépensière très poussée, il sera de ce fait urgent de mobiliser des ressources de financement très importantes. Dans ce cas de figure et du point de vue de l’analyse, il est fort probable que le financement demandera plus de dotations et ne se limitera pas aux ressources dégagées à partir des revenus ordinaires uniquement. Le financement non conventionnel reste quand même une pièce qui sera posée ultérieurement.

Le président a évoqué la disponibilité de 1.900 milliards de dinars pour les investisseurs, avec la possibilité d’affecter 10 à 12 milliards de dollars des réserves de change. À votre avis, quels sont les secteurs prioritaires ?

Dans tous les cas de figure, le système bancaire classique est un système qui procède toujours à la création des valeurs monétaires pour le financement du secteur économique. Même s’il s’agit d’un solde actuel de 1 900 milliards de dinars, ce solde fluctuera soit en hausse ou en baisse au fur et à mesure que l’activité économique avance. Tant que le secteur économique enregistre une hausse de l’activité économique cette masse augmentera, et dans le cas contraire elle baissera certainement, car c’est le crédit qui fait l’épargne et non le contraire. D’autre part, le stock en réserves qui sera destiné à l’activité économique sera probablement affecté en deux phases, l’une pour les importations en équipements pour les investissements, et l’autre pour les intrants pour le compte de l’exploitation. Il est entre autres question de situer le rôle du dinar dans ce cas de figure pour soutenir la compétitivité à l’échelle nationale et à l’échelle internationale.

Les secteurs prioritaires dans cette configuration, seront attachés aux activités dans lesquels nous pouvons offrir un potentiel de développement très important, mais à des échelles inclusives et élargies sur tous les champs géographiques, comme l’agriculture, les exploitations minières, les industries de transformation et les énergies renouvelables. Les services et aussi le domaine des infrastructures qui est et restera un moteur de croissance très important chez nous.

La finance islamique peut-elle absorber la liquidité hors circuit bancaire et drainer l’épargne ?

Un modèle de croissance économique se base sur une politique budgétaire et une politique monétaire, il fait aussi appel à des ressources pour les transformer en emplois et ensuite en ressources. Il doit dans ce sens compter sur plusieurs instruments, dont la finance islamique qui est un instrument très important qui offre des conditions avantageuses pour permettre de partager les risques avec investisseurs et les demandeurs de financement. Mais d’autre part, la finance islamique doit aussi collecter des ressources en épargne importantes. La boucle de la finance islamique ne pourra jamais fonctionner pleinement, si elle n’est pas bouclée complètement en ressources et en emplois.

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