Dans cet entretien le président du syndicat national des pharmaciens d’officines (Snapo), M. Belambri, nous livre les raisons qui ont poussé le syndicat qu’il dirige à s’opposer à l’idée de placer l’agence nationale du médicament sous l’autorité du ministère de l’industrie.
Algérie-Eco : L’agence nationale du médicament pourrait être placée sous la tutelle du ministère de l’industrie. Une proposition qui a suscité une grande polémique. Pourquoi?
M. Belambri : Il y avait effectivement une proposition dans ce sens, ce qui a étonné plus d’un dans le milieu de la santé, que ce soit les cadres administratifs ou les professionnels de la santé, car cette agence, depuis son premier ancrage juridique en juillet 2008 par la loi 08-13, a été placé sous tutelle de la santé, comme ceci se fait dans tous les pays du monde, et conformément également aux recommandations de l’organisation mondiale de la santé OMS, car ses missions s’inscrivent dans le cadre de la stratégie de santé publique dont est chargé le ministère de la santé, et ce, toujours selon la Loi en vigueur, notamment la loi sanitaire 18-11 révisée il y a à peine 02 ans après plus de 33 ans de travail et de préparation ayant impliqué plusieurs ministères et institutions de l’Etat. Donc tout le monde était étonné de voir l’agence du médicament une nouvelle fois par un texte fondamental de la santé, la loi 18-11 et son article 224, risquer de basculer vers un secteur a vocation strictement industriel, celui de l’industrie pharmaceutique, qui lui même est une filière du secteur industriel global en Algérie. L’agence dispose de missions et prérogatives larges qui s’inscrivent dans une politique globale visant à promouvoir la santé publique et à assurer la sécurité sanitaire de nos concitoyens, et ce rôle revient constitutionnellement au secteur de la santé.
Quelle est la position du Snapo sur le sujet?
Si on parle d’autoriser les essais cliniques, d’attribuer des AMM (autorisations de mise sur le marché) des médicaments, de délivrance d’ATU (autorisation temporaire d’utilisation) et qui concernent des médicaments innovent et couteux non enregistrés, si on parle de contrôle de tout le secteur pharmaceutique (hospitalier, distribution, dispensation, fabrication), et d’homologation, c’est qu’on touche à des activités relevant du secteur médical et sanitaire. Toutes ces missions que nous venons d’énumérer sont inscrites sur le compte de l’agence dans son décret 19-190 de juillet 2019, et toutes ces missions et attributions ne peuvent pas être confiées à l’industrie pharmaceutique, ça serait un non sens. L’industrie pharmaceutique est là pour réaliser les objectifs fixés par le secteur de la santé, et non le contraire, car si l’agence du médicament est placée sous tutelle de l’industrie, ça serait alors elle, qui validerait ses propres produits, et qui dicterait sa conduite au ministre de la santé. La polémique a encore enflé, quand tout le monde a su qu’un projet d’ordonnance présidentiel allait être préparé pour le soumettre au président de la république et amender la loi sanitaire, et la tout le monde a réagi pour freiner cette tentative.
Est-ce que le Snapo a saisi les autorités concernées dans ce sens?
Le Snapo a saisi en urgence la présidence de la république avec un long rapport bien argumenté en plus de trois lettres ouvertes rendues publiques adressées a monsieur le président de la république Abdelmadjid Tebboune.
Le Snapo a toujours soutenu toutes les réformes du gouvernement, il a apporté toute sa contribution a l’application du tarif de référence qui a préservé nos caisses de sécurité sociale, il s’est pleinement engagé dans la promotion du médicament générique et de la production locale, et nous continuerons à soutenir toutes les réformes ordonnées par le président, et qui, nous en sommes conscients, vont encore consolider notre économie et notre industrie. Chacun a réagi de son coté, et il allait y avoir une grande conférence de presse samedi qui allait regrouper la majorité des acteurs du secteur de la santé privé et public.
Nous avons fait notre travail, en tant que professionnels de santé, en tant que syndicat qui a 24 ans de militantisme, nous avons fait le maximum de manière respectueuse et professionnelle, notre objectif était d’alerter le président de la république et d’attirer son attention sur une modification de la loi sanitaire qui allait porter préjudice à notre système de santé et a la sécurité sanitaire de nos concitoyens
Le message, nous estimons, est passé, nous avons reçu des assurances, et nos arguments ont été convaincants, nous sommes satisfaits, nous continuons à travailler de manière objective et constructive pour le bien de notre population et de notre pays
C’est pour cette raison, et après concertation de nos partenaires, nous avons décidé d’annuler la conférence de presse qui était programmée pour samedi.