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Algérie-France : Ce qu’a dit le président Tebboune

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Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a accordé un entretien au journal français L’Opinion, paru ce dimanche 2 février, dans lequel il a abordé plusieurs sujets liés aux relations entre l’Algérie et la France. Il a critiqué certaines déclarations de l’extrême droite française et évoqué des dossiers tels que les accords de 1968, la coopération sécuritaire et la question du Sahara occidental.

« Le climat est délétère, nous perdons du temps avec le président (Emmanuel) Macron. Nous avions beaucoup d’espoirs de dépasser le contentieux mémoriel. C’est pour cela que nous avons créé, à mon initiative une commission mixte pour écrire cette histoire qui nous fait encore mal », a indiqué le président de la République dans une interview accordée au quotidien français l’Opinion.

« Et pour dépolitiser ce dossier, j’ai même reçu deux fois l’historien Benjamin Stora (qui) a toute mon estime et réalise un travail sérieux avec ses collègues français et algériens sur la base des différentes archives, bien que j’aie déploré que l’on n’aille pas assez au fond des choses », a-t-il souligné.

Le président de la République a aussi rappelé avoir établi « une feuille de route ambitieuse » après la visite en août 2022 du président Macron, suivie de celle d’Elisabeth Borne, alors Première ministre, qu’il a qualifiée de « femme compétente connaissant ses dossiers »« Mais, plus rien n’avance si ce n’est les relations commerciales », a-t-il fait observer.

« Le dialogue politique est quasiment interrompu. Il y a des déclarations hostiles tous les jours de politiques français comme celles du député de Nice, Éric Ciotti, qui qualifie l’Algérie d' »État voyou » ou du petit jeune du Rassemblement national [Jordan Bardella] qui parle de « régime hostile et provocateur » », a critiqué le président Tebboune, qui s’étonne que ces personnalités de l’extrême droite « aspirent un jour à diriger la France ». Il a ajouté : « Personnellement, je distingue la majorité des Français de la minorité de ses forces rétrogrades et je n’insulterai jamais votre pays ».

Au sujet de Marine Le Pen, qui a comparé sa politique envers l’Algérie à celle de Donald Trump avec la Colombie, le président Tebboune a répondu : « Ce sont des « analphabétises ». Les responsables du RN ne connaissent que l’utilisation de la force. Il y a encore dans l’ADN de ce parti des restes de l’OAS pour laquelle il fallait tout régler par la grenade et les attentats ».

Il s’est aussi interrogé sur les conséquences d’une éventuelle victoire de Marine Le Pen en France : « Moi, je m’interroge sur la manière dont Madame Le Pen va s’y prendre si elle parvient au pouvoir : veut-elle une nouvelle rafle du Vel d’Hiv et parquer tous les Algériens avant de les déporter ? »

Il a également souligné que l’Algérie est la troisième puissance économique et la deuxième puissance militaire en Afrique, en estimant que l’utilisation de la force, comme prônée par Marine Le Pen, est un « non-sen absolu ». Mais a-t-il a ajouté : « Nous sommes prêts à dialoguer ».

Au sujet de l’influenceur Doualemn, le président Tebboune a précisé qu’il « ne veut pas imposer à la France des Algériens en situation irrégulière ». « Nous avons d’ailleurs accordé 1.800 laissez-passer consulaires l’année dernière. Mais il faut respecter les procédures légales ».

Le chef de l’Etat a accusé le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, d’avoir « voulu faire un coup politique en forçant son expulsion », et a rappelé qu’il a été retoqué par la justice française qui a annulé l’arrêté d’expulsion d’urgence.

Le président Tebboune a dit que la France « donne la nationalité ou le droit d’asile à des personnalités qui ont commis des crimes économiques ou qui se livrent à de la subversion sur le territoire français ». Il a réclamé que la France accède aux demandes d’extradition formulée par l’Algérie, à l’instar de l’Espagne, de l’Allemagne, de l’Italie.

Le président Tebboune a expliqué que le bras de fer ne marche pas avec l’Algérie, et a rappelé que Gérald Darmanin, le prédécesseur de Retailleau, a cherché « à nous forcer la main » au début de son règne à Place Beauvau, avant de venir à Alger.

Sur le nombre de clandestins algériens en France, le président Tebboune a révélé que l’Algérie a délivré 1.800 laissez-passer consulaires en 2024, mais il a précisé qu’il y a « peu d’entrées illégales », et que la « plupart de mes compatriotes arrivent en France avec des visas pour étudier ou exercer comme médecins, avocats ou ingénieurs, sans que cela pose de problème aux autorités. »

Accord franco-algérien de 1968

Concernant les appels en France à l’abrogation de l’accord de 1968, le président Tebboune a répondu : « Pour moi, c’est une question de principe. Je ne peux pas marcher avec toutes les lubies. » « Pourquoi annuler ce texte qui a été révisé en 1985, 1994 et 2001 ? Ces accords étaient historiquement favorables à la France qui avait besoin de main-d’œuvre. Depuis 1986, les Algériens ont besoin de visas, ce qui annule de fait la libre circulation des personnes telles qu’elle est prévue dans les accords d’Évian », a-t-il précisé.

Et de rappeler : « ces accords de 1968 sont une coquille vide qui permet le ralliement de tous les extrémistes comme du temps de Pierre Poujade ». Il a réitéré sa position sur ce texte qu’il considère comme une « coquille vide » qui permet le « ralliement de tous les extrémistes comme du temps de Pierre Poujade. »

Le président Tebboune a aussi abordé l’affaire Boualem Sansal, arrêté le 16 novembre dernier à l’aéroport d’Alger avant d’être placé en détention et poursuivi pour atteinte à l’intégrité nationale. A ce propos, il a dit : « C’est une affaire scabreuse visant à se mobiliser contre l’Algérie. » 

Il a précisé que Sansal est « d’abord Algérien depuis soixante-quatorze ans » et a mis en avant ses liens avec certaines figures politiques françaises. Sur la possibilité d’accorder la grâce présidentielle à Sansal, il a indiqué : « Je ne peux présager de rien. »

Sur la coopération sécuritaire, le président Tebboune a confirmé la visite du patron de la DGSE le 13 janvier à Alger pour parler du cas du repenti « Abou Rayan« . Il a déclaré que « tout ce qui est « Retailleau » est douteux compte tenu de ses déclarations hostiles et incendiaires envers notre pays.« 

Il a expliqué que la coopération avec la DGSI française, qui dépend du ministère de l’Intérieur est à l’arrêt, sont à l’arrêt, tandis que celle avec la DGSE, qui dépend du ministère français des armées, se poursuit. « Il n’y a donc plus de coopération, à l’inverse de la DGSE qui a su garder ses distances« , a-t-il dit.

Le président Tebboune a accusé Bruno Retailleau qui veut lancer des enquêtes sur ses biens, pour « remplacer, à terme« , le recteur de la Grande Mosquée de Paris qu’il a défendu. Le chef de l’État a jugé probable que certains pays arabes, sans les citer, « sont en train de jouer avec le feu en voulant affaiblir le recteur actuel avec la complicité de Bruno Retailleau ».

Interrogé sur « l’influence de l’Algérie à la Grande Mosquée de Paris », le président de la République a expliqué que « l’Etat algérien n’a pas voulu laisser des associations douteuses faire de l’entrisme à la Grande Mosquée et a toujours pris en charge son entretien ».

Il a rappelé à ce propos, que lorsqu’il était ministre de la Communication et de la Culture, il avait « instauré ces aides (qui) servent notamment à rénover les bâtiments », soulignant que « la France officielle n’a jamais fait d’objection et se rend régulièrement aux invitations du recteur ».

Il a ajouté dans le même sillage que « la Grande mosquée n’est pas une officine » et que « le recteur actuel, Chems-Eddine Hafiz, a été choisi de manière concertée avec son prédécesseur, Dalil Boubakeur, et l’Etat français ».

Interrogé sur sa disposition « à reprendre le dialogue à condition qu’il y ait des déclarations politiques fortes », le président de la République a répondu : « Tout à fait. Ce n’est pas à moi de les faire. Pour moi, la République française, c’est d’abord son Président« .

« Il y a des intellectuels et des hommes politiques que nous respectons en France comme Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Raffarin, Ségolène Royal et Dominique de Villepin, qui a bonne presse dans tout le monde arabe, parce qu’il représente une certaine France qui avait son poids« , a-t-il relevé.

Il a ajouté qu’« il faut aussi qu’ils puissent s’exprimer. Et ne pas laisser ceux qui se disent journalistes leur couper la parole et les humilier, particulièrement dans les médias de Vincent Bolloré dont la mission quotidienne est de détruire l’image de l’Algérie« . « Nous n’avons aucun problème avec les autres médias, qu’ils soient du secteur public ou privé », a assuré le président de la République.

Concernant le Sahara occidental, il a indiqué avoir mis en garde Emmanuel Macron sur les conséquences d’une reconnaissance de la marocanité de ce territoire : « Vous faites une grave erreur ! Vous n’allez rien gagner et vous allez nous perdre ». C’était lors de sa rencontre en marge du G7 le 13 juin dernier à Bari en Italie que les deux présidents se sont entretenus pendant 2 h 30

Le président Tebboune a également mis en avant le statut de la France, qui en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, comme « protecteur de la légalité internationale, alors que le Sahara occidental est un dossier de décolonisation pour l’ONU qui n’a toujours pas été réglé ».

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