« Ces oliviers donnent un vrai élixir », s’extasie le néo-agriculteur algérien Hakim Alilèche, en observant ses arbres dont les branches ploient sous le poids de leurs fruits.
Cet homme de 48 ans a renoncé à une carrière florissante dans les arts graphiques pour monter une oliveraie écologique sur les hauts plateaux d’Aïn Oussera, à 230 km au sud d’Alger. « L’huilerie est entrée en production il y a trois ans. J’ai choisi Aïn Oussera car les terres et l’eau y sont disponibles », explique-t-il à l’AFP.
Son huile d’olive a décroché en mai 2021 la médaille d’argent au Japan Olive Oil Price (Joop), un concours international d’huiles extra vierges. Elle a également remporté en février le premier prix du concours international Dubai Olive Oil Competition dans la catégorie « extra vierge récolte précoce ». « Ces distinctions nous ont vraiment rassurés car cela veut dire qu’on ne s’est pas trompés », se réjouit l’oléiculteur dans un pays où le marché bio est balbutiant.
Son oliveraie s’étend sur 40 hectares et compte pas moins de 15.000 oliviers dont 9.000 sont déjà en production. « J’ai commencé à les planter progressivement à partir de 2005. J’aime l’agriculture et j’affectionne l’olivier depuis mon jeune âge. En Algérie, c’est un arbre sacré », dit-il. Et produire de l’huile d’olive bio le « met directement dans cette ambiance de respect de la planète et de protection de la planète ».
Alilèche a visité plusieurs pays producteurs, comme la Bosnie-Herzégovine, la Grèce, la France ou l’Italie pour s' »inspirer de leurs méthodes » d’extraction. « L’oliveraie n’a jamais subi de traitement chimique et je ferai tout pour que ça reste ainsi », promet-il, un gobelet rempli d’huile à la main, tout juste sortie du pressoir moderne, venu spécialement d’Italie. « C’est un vrai +alicament+ (médicament-aliment) », lance-t-il en dégustant le liquide doré et parfumé, avant de se diriger vers son champ où une vingtaine d’employés cueillent les olives.
Comme chaque année depuis l’entrée en production de son huilerie, M. Alilèche est en avance sur la saison. Normalement la cueillette ne commence pas avant la mi-novembre en Algérie pour s’achever un mois plus tard. « La récolte précoce permet d’obtenir tous les bienfaits de l’olive, tout ce qui est anti-oxydant naturel », explique-t-il.
Les olives sont récoltées à la main pour ne pas abîmer l’arbre, puis déposées sur de grandes bâches en plastique. Elles sont ensuite transportées en cagettes jusqu’au pressoir tout proche. « La trituration le jour même permet aux olives de ne pas s’oxyder », souligne M. Alilèche.
A ce stade de maturation, le rendement est faible : seulement huit litres d’huile pour 100 kilos d’olives récoltées. Mais, à mesure que les olives mûrissent, le rendement s’améliore et la production par quintal grimpe à 18 litres d’huile. « Notre huile est un produit de très haute qualité que nous souhaitons labelliser » en Europe, poursuit M. Alilèche, qui espère obtenir le certificat AB (agriculture bio) lors de la venue prochaine d’experts.
Selon M. Alilèche, le processus de fabrication de son huile, baptisée « Dahbia (dorée en arabe) », en hommage à sa mère et à son épouse, dont c’est le prénom, respecte « toute la chaîne écologique : pas de pollution, pas d’engrais ».
Son taux d’acidité est de 0,16%, un cinquième de la norme de 0,8% fixée par le Conseil oléicole international pour l’huile extra vierge. « L’indice de peroxyde, c’est-à-dire de la pureté de notre huile est de 3 alors que le taux autorisé doit être inférieur à 20 », précise-t-il. « Au moulin, on ne manipule pas beaucoup l’olive. Elle est lavée, pressée et enfin décantée », ajoute M. Alilèche en expliquant avoir rompu avec la coutume algérienne. « Avant, on ne lavait pas les olives et elles restaient exposées pendant de longues périodes dans des sacs en plein air, ce qui avait pour effet d’altérer le goût de l’huile. »
Alors que son exploitation bénéficie d’une irrigation au goutte à goutte, il redoute les effets du changement climatique, dans une région en proie ces dernières années à de fréquentes tempêtes de grêle en début d’été. « Un quart d’heure de grêle et tout part en fumée. Il faudra attendre cinq longues années pour que l’olivier reprenne. »
Afp