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Derrière la trêve Airbus-Boeing, un rival commun: la Chine

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Le duopole Airbus-Boeing devra-t-il faire de la place au nouveau venu Comac? La montée en puissance de la Chine dans le très stratégique secteur aéronautique, dont elle représente le premier marché mondial, conduit Européens et Américains à serrer les rangs.

Les Etats-Unis et l’Union européenne ont suspendu mardi pour cinq ans les droits de douane punitifs qu’ils s’infligent dans le cadre du vieux conflit qui les oppose sur les aides publiques à leurs avionneurs.

Selon le président américain Joe Biden, il s’agit de « travailler ensemble pour contester et contrer les pratiques non commerciales de la Chine dans le secteur (aéronautique), qui donnent aux entreprises chinoises un avantage déloyal ».

En toile de fond, les efforts effrénés de Pékin pour faire émerger son avionneur national Comac (Commercial Aircraft Corporation of China). Celui-ci développe un biréacteur, le C919, destiné à concurrencer les A320 et B737.

Après quatre ans d’essais en vol, Comac compte obtenir cette année la certification en Chine du C919, à temps pour commémorer le centenaire de la création du Parti communiste chinois.

L’appareil a reçu entre 49 et 72 milliards de dollars de subventions publiques pour son développement, bien plus que les aides dont ont pu bénéficier Airbus et Boeing, selon les calculs de Scott Kennedy, spécialiste de la Chine au Centre international d’études stratégiques (CSIS).

Pour Richard Aboulafia, expert aéronautique pour Teal Group, « le vrai problème est que la Chine manipule le marché en jouant Airbus et Boeing l’un contre l’autre et conditionne ses commandes à des transferts de technologie ». Le trafic aérien chinois, qui a explosé et a récupéré plus rapidement que les autres régions de la crise sanitaire, est appelé à se renforcer encore. Boeing estime les seuls besoins du marché chinois sur les 20 prochaines années à 9.360 appareils, soit 20% des besoins d’avions neufs dans le monde.

Un débouché majeur pour les A320 d’Airbus et le 737 MAX de Boeing, alors que ce dernier n’a toujours pas obtenu l’autorisation du retour en vol de l’appareil dans le ciel chinois.

Si Pékin ne peut se passer ni de Boeing ni d’Airbus pour l’instant, il entend à terme être maître de sa destinée.  « L’industrie aéronautique, c’est un instrument à la fois de croissance et un outil diplomatique et commercial qui leur permet d’avoir une politique étrangère très complète sur les marchés extérieurs », observe Michel Merluzeau, du cabinet spécialisé AIR. Et pour lui, « les Chinois ont les compétences technologiques et industrielles pour produire un avion, il n’y a aucun doute là-dessus ». « Les Chinois ont l’ambition, ils sont très raisonnables, ils savent que ça prend du temps », affirme-t-il à l’AFP: « ce n’est pas en 2025 qu’ils souhaitent en découdre avec Airbus et Boeing ».

Le C919 est tributaire de la coopération avec les industriels européens et américains: sur les 82 principaux équipementiers de l’appareil, 14 sont chinois, dont sept sont des co-entreprises avec une société étrangère, recense M. Kennedy.

Les ailes et le fuselage sont chinois, mais les entreprises nationales ne maîtrisent pas encore les moteurs ou l’avionique et Comac pâtit de son organisation bureaucratique. Mais cela viendra, assure Michel Merluzeau. « Ils préparent leur industrie à répondre aux besoins nationaux. Il s’agira de produits de qualité inférieure, mais au moins ils seront nationaux », confie à l’AFP Richard Aboulafia.

Plus lourd, l’appareil consomme davantage de carburant et coûtera donc davantage à exploiter.

Sous l’impulsion du pouvoir, Comac se targue d’avoir enregistré 815 commandes pour son C919, quasiment toutes auprès de compagnies chinoises. Mais ce ne sont pour l’essentiel que des intentions: China Eastern Airlines a été la première compagnie, en mars, à passer une commande ferme pour cinq appareils.

Professeur à l’université aéronautique de Beihang à Pékin, Huang Jun « ne pense pas que (le C919) change la donne » vis-à-vis des avionneurs occidentaux mais contribuera à l’émergence d’un « modèle ABC Airbus, Boeing et Comac »: « nous espérons simplement pouvoir rejoindre ce marché et en occuper une certaine part ».

Les patrons de Boeing comme d’Airbus s’y préparent. Comac « va progressivement devenir un acteur digne de ce nom », a récemment estimé le président du constructeur européen Guillaume Faury. « Nous passerons donc probablement d’un duopole à un « triopole », au moins sur les monocouloirs, d’ici la fin de la décennie ».

Afp

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