Une dizaine de chefs d’Etat ouest-africains arrivaient dimanche matin à Accra, la capitale du Ghana, pour trancher la question épineuse de leur réponse au double putsch des militaires maliens, lors d’un sommet extraordinaire.
Alassane Ouattara, le président de la Côte d’ivoire, Muhammadu Buhari, le président nigérian, ou encore Marc Christian Kabore du Burkina Faso, sont notamment attendus, ainsi que le colonel Assimi Goïta, désormais officiellement président du Mali, qui est déjà arrivé samedi pour des consultations préliminaires. Les chefs d’Etat et ainsi que des délégations de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se retrouvent pour ce sommet extraordinaire exclusivement consacré au Mali.
De son côté, la présidence du Mali a indiqué sur sa page Facebook que « le chef de l’État – le colonel Assimi Goïta – aura un tête-à-tête avec son homologue ghanéen et des entretiens bilatéraux avec les partenaires et amis du Mali. »
Le président français Emmanuel Macron a de son côté averti, dans un entretien au Journal du dimanche, que Paris « ne resterait pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition ».
La Cour constitutionnelle malienne a déclaré vendredi le colonel Goïta président de transition du pays, parachevant le coup de force déclenché lundi contre ceux qui se trouvaient entre lui et la direction de ce pays en pleine tourmente, alors qu’il est crucial pour la stabilité du Sahel face à la propagation jihadiste.
Dimanche, cinq personnes ont été tuées dans une attaque de jihadistes présumés contre un poste contrôle dans le sud du Mali, selon un responsable des services de sécurité.
Avec la nomination du colonel Goïta, la Cour constitutionnelle a officialisé un fait accompli auquel les partenaires du Mali avaient essayé de s’opposer après le coup d’Etat d’août 2020.
Assimi Goïta et un groupe de colonels avaient alors renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta après des mois de contestation populaire mais, sous la pression internationale, avaient accepté la nomination d’un président et d’un Premier ministre civils.
La junte avait cependant taillé pour Assimi Goïta une vice-présidence sur mesure, investie des charges primordiales de la sécurité. Les colonels avaient nommé les leurs aux postes clés.
Lundi, l’ancien commandant de bataillon des forces spéciales a fait arrêter le président et le Premier ministre, cautions civiles de la transition. La version initiale d’une destitution autoritaire est devenue officiellement une démission.
L’engagement pris pour une transition civile est foulé aux pieds, suscitant le doute sur les autres promesses, à commencer par la tenue d’élections début 2022. La junte a dit ces derniers jours qu’elle comptait respecter le calendrier, mais a ajouté qu’il pouvait être soumis à des aléas.
La Cour constitutionnelle écrit que le colonel Goïta présidera la transition jusqu’au bout.
Paris avait dénoncé mardi un « coup d’Etat inacceptable » au Mali. Différentes voix s’élèvent par ailleurs pour noter la différence de traitement entre la vigueur de la réaction aux évènements maliens et la mansuétude montrée vis-à-vis d’un autre pays sahélien, le Tchad, où un Conseil militaire de transition (CMT) de 15 généraux a pris le pouvoir le 20 avril après la mort d’Idriss Déby Itno, avec à sa tête un des fils de l’ancien président.
La désignation d’Assimi Goïta met les voisins et les partenaires du Mali au défi d’une réponse.
La Cédéao avait co-rédigé avec l’Union africaine, la mission de l’ONU au Mali (Minusma), la France, les Etats-Unis et d’autres un communiqué rejetant « par avance tout acte imposé par la contrainte, y compris des démissions forcées ».
Une mission de la Cédéao dépêchée au cours de la semaine au Mali a évoqué l’éventualité de sanctions. La France et les Etats-Unis, engagés militairement au Sahel, en ont brandi la menace. « La transition politique sera dirigée par un civil » et « le vice-président de la transition (…) ne pourra en aucune manière remplacer le président de la transition », avaient déclaré les dirigeants ouest-africains lors d’une réunion avec la junte le 15 septembre 2020 après le premier coup de force.
La Cédéao avait suspendu le Mali de tous ses organes de décision, fermé les frontières de ses Etats membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le Mali, à l’exception des produits de première nécessité.
Elle avait levé les sanctions, mal ressenties par une population éprouvée dans un pays exsangue, quand la junte avait paru se plier à ses exigences.
Afp