Comme pour exprimer leur désarroi face aux problèmes multiformes qui minent les banques publiques algériennes et les tirent constamment vers le bas, il est de coutume que nos nouveaux ministres des finances, commencent leurs mandats en suggérant la privatisation de certaines banques. Une privatisation généralement présentée comme solution miracle aux difficultés insolubles du secteur. On se souvient que le CPA et la BDL avaient été proposées à la privatisation en 1997, puis en 2004, avant d’être à nouveau évoquées, sans toutefois les nommer, par le ministre des finances.
Ne bénéficiant ni du courage politique, ni de l’ingénierie requise pour passer aux actes (la privatisation exige du savoir faire et de la compétence managériales que ce ministère n’a pas), les autorités algériennes ne sont jamais parvenues à privatiser, ne serait-ce, qu’une agence bancaire, tant les résistances exercées surtout par clientèles privilégiées du régime, étaient fortes. Il ne faut surtout pas toucher à ces « vaches à lait » qui leur assuraient dans une totale opacité, des financements illimités.
Le contexte politique étant aujourd’hui particulièrement difficile, toute action de privatisation touchant au secteur bancaire, est évidemment exclue, à moins que nos gouvernants déjà peu appréciés des masses, se cherchent volontairement des ennuis, en s’engouffrant dans une voie aussi impopulaire.
Comme pour tous ceux qui l’avaient précédé, le souhait récemment exprimé par le ministre des finances, restera très probablement un vœu pieux, qui ne dérogera pas à cette volonté largement partagée de maintenir ce secteur en état de léthargie, mais aussi et surtout, de servitude au profit de certains clans et clients proches du pouvoir.
Il faut dire que le secteur bancaire algérien fonctionne depuis sa création dans les années 1970, selon sa propre logique. Il n’a jamais été créé pour être moderne et performant, mais seulement, pour servir des clientèles bien précises. Ces clientèles qui ont évolué aux gré du temps et des régimes politiques, ont été, tour à tour, des sociétés nationales, des entreprises privées de négoce et certains apparatchiks ou oligarques proches du pouvoir. Les banques se sont toujours comportées et continuent à le faire, comme de simples « guichets payeurs » au profit de ce type de clientèles pour peu qu’elles soient appuyées par des décideurs qui se trouvent généralement en dehors du secteur bancaire. Les dirigeants des banques ne sont généralement que des exécutants d’ordres venus du plus haut de la hiérarchie politique qui s’accorde des privilèges d’abord à elle même et, lorsque les intérêts mutuels l’exigent, à quelques individus triés sur le volet. Les verdicts des derniers procès intentés à certains oligarques, ont effectivement montré à quel point nos banques étaient prêtes à servir des hommes d’affaires et des responsables politiques, pour peu qu’ils bénéficient du soutien de hauts dignitaires du régime. Ces derniers pouvaient prélever autant d’argent qu’ils souhaitaient, sans trop s’encombrer du souci de le rembourser à termes échu.
Il y a aussi, ces milliers d’unités économiques publiques insolvables que ces banques doivent obligatoirement continuer à financer à perte, sur injonction des autorités politiques, uniquement parce qu’elles appartiennent à l’Etat. Les banques seront forcées de mettre à leur portée l’argent nécessaire à la paie de pléthores d’employés et à l’achat des matières premières, même si elles savent pertinemment que ces entreprises en faillite ne pourront jamais rembourser leurs crédits. Les banques ne comptent de ce fait que sur les hypothétiques recapitalisations que l’Etat effectue à leur intention annuellement, lorsque évidemment, les ressources financières sont disponibles. Elles ne l’avaient pas été cette année et ne le seront sans doute pas, en 2021. Il faut savoir que ces deux recapitalisations coûteront, au bas mot, 700 milliards de dinars au trésor public qui ne dispose plus, comme par le passé, d’une telle manne, qui lui permettaient lorsque les recettes pétrolières étaient copieuses, d’effectuer régulièrement les compensations réclamées par les banques. Et c’est précisément ce qui a mis, depuis l’entame de l’année 2020, le secteur bancaire algérien en situation d’illiquidité. Une situation stressante pour tous leurs usagers qui seront astreints encore longtemps, à de perpétuels problèmes de retraits de fonds, tant que le trésor public redevable envers elles, ne les aura pas indemnisées pour tout ce qu’elles ont dépensé sur ordre des autorités politiques.