Notre ami Ali El Kenz, professeur de sociologie aux universités d’Alger et de Nantes, vient de nous quitter à jamais à l’âge de 74 ans, des suites d’une maladie cardiaque.
Ecrivain et professeur émérite en sociologie, il laisse une œuvre considérable qui inspirera longtemps encore étudiants et chercheurs, tant les thèmes qu’il avait traités embrayent avec l’actualité et certains faits sociaux purement algériens.
Son ouvrage sur le complexe sidérurgique d’El Hadjar, l’interview fleuve de l’ex Chef du Gouvernement Bélaid Abdeslam à propos de l’industrialisation de l’Algérie, qu’il avait réalisée avec le défunt professeur Mahfoud Benoune, ses publications personnelle « Au fil de la Crise » et collective « L’Algérie et la Modernité », constituent des références, aussi bien, pour ceux qui veulent s’informer sur ce qui fut entrepris en matière de choix économique et social durant ces cinquante dernières années, que pour les étudiants qui veulent s’initier à la sociologie opératoire. Ali El Kenz était en effet un sociologue de terrain qui n’a par exemple, pas hésité à quitter Alger et s’installer quelques temps à Annaba, pour analyser dans les détails le mode de gestion bureaucratique et rentier du Complexe Sidérurgie d’El Hadjar, qui explique en grande partie ses insuffisances productives et sa débâcle managériale des années 90.
Il nous disait qu’il avait passé ses plus belles années en Algérie et qu’il n’a été résolu à quitter son pays que parce que sa vie et celle de sa famille, étaient réellement en péril. A ce titre, son tout dernier livre « Écrits d’exil » (Casbah-Editions), fait le point sur ses écrits académiques à l’étranger, mais aussi et surtout, sur l’amour et la nostalgie de son pays, qu’il exprime à travers une poignante autobiographie.
Ali El Kenz, est considéré comme l’un des meilleurs professeurs de philosophie et de sociologie qu’ai connus l’Université d’Alger et, à ce jour, beaucoup de ses étudiants évoquent avec fierté le fait d’avoir suivi ses cours. Altermondialiste par conviction, il consacra bon nombre d’écrits à la critique du libéralisme, qu’il considère comme un mal absolu pour l’humanité, tant il porte en lui, non seulement, les germes destructeurs des populations vulnérables, mais aussi, de la nature et de ses ressources vitales.
Il avait écrit les préfaces de quelques livres, parmi lesquelles, celle d’un de nos ouvrages intitulé « L’interminable transition » Casbah-Editions. Avant de l’écrire il me prévint qu’il le fera avec plaisir, mais selon sa propre vision et ses convictions d’altermondialiste. Ce que je n’hésitai pas à accepter, en lui disant que « c’est tout de même, une manière bien originale d’ouvrir le débat avant même de prendre connaissance du contenu d’un livre. » Et c’est ainsi qu’il inaugura cette forme de débat sur des sujets de fond (libéralisme, durée d’une période de transition, investissements directs étrangers, services publics, climat des affaires etc.), au moyen de cette préface. Beaucoup d’autres auteurs s’en inspirés, m’avait-t-il appris, lors d’une rencontre à Alger.
Nous saisissons l’occasion de ce bref hommage à ce Grand Homme, pour présenter nos plus sincères condoléances à son épouse, ses enfants et ses nombreux amis.
Par Nordine Grim
Écrivain et journaliste