Les géants américains du pétrole ExxonMobil et Chevron ont encore perdu beaucoup d’argent au troisième trimestre du fait de la chute de la demande en brut et ont taillé dans leurs dépenses. Mais ils continuent à croire en un monde où l’or noir coule à flot. ExxonMobil a enregistré une perte nette de 680 millions de dollars entre juillet et septembre, quand Chevron a perdu 207 millions de dollars. Les sociétés avaient respectivement gagné 3,2 milliards et 2,6 milliards sur la même période en 2019.
La pandémie est passée par là : avec les mesures de restriction, l’activité économique a ralenti et les trajets en avion ont beaucoup diminué, pesant sur la demande en énergie. Le prix du baril de pétrole coté à New York a évolué aux alentours de 41 dollars en moyenne entre juillet et septembre, contre 56 dollars sur la même période en 2019, et les marges sur les produits raffinés ont beaucoup baissé. Résultat : le chiffre d’affaires d’ExxonMobil a reculé de 29%, à 43,7 milliards de dollars, et celui de Chevron de 32% à 24,5 milliards de dollars.
Pour continuer à verser des dividendes aux actionnaires, les deux sociétés ont beaucoup coupé dans leurs dépenses, opérationnelles et d’investissement. ExxonMobil a notamment taillé dans ses effectifs et a estimé que le nombre de ses employés dans le monde allait baisser de 15% entre fin 2019 et fin 2022. Après avoir réduit ses dépenses d’investissement en 2020 de 33 à 23 milliards de dollars, il s’attend maintenant à n’en débourser que 16 à 19 milliards en 2021.
Chez Chevron, les dépenses d’investissement et les dépenses d’exploitation « ont baissé respectivement de 48% et 12% » par rapport au troisième trimestre 2019, a précisé le PDG Michael Wirth. ExxonMobil a aussi fait face à un trimestre difficile en Bourse : il a été retiré du prestigieux indice Dow Jones, dont il était membre depuis 1928, et a été dépassé par une société aux revenus bien moins élevés mais pariant sur le solaire et l’éolien, NextEra Energy.
Pic de demande ? « A-t-on atteint en 2019 un pic de la demande en pétrole ? A cette question, les réponses sont très variées », remarque Peter McNally de la société d’investissement Third Bridge. Pour certains, le plongeon de la demande depuis le début de la pandémie n’est que l’accélération d’une tendance à la baisse de la consommation au moment où le changement climatique devient un enjeu majeur.
Le PDG d’ExxonMobil, dans un récent message adressé à ses employés, a réfuté cette hypothèse. « Seulement 15% de la population mondiale vit dans des pays à niveau de vie élevé », avance-t-il, estimant que quand l’économie se redressera, les habitants des autres régions du monde consommeront de plus en plus d’énergie. Par ailleurs, remarque M. McNally, « il n’est pas réaliste » de penser que tout le monde va rapidement troquer sa voiture à essence ou diesel pour une onéreuse Tesla électrique. La consommation d’or noir devrait, à ses yeux, continué à croître, mais pas au niveau observé ces dernières années.
Les compagnies pétrolières vont-elles changer leur stratégie ? Pour l’instant, faute de contrôler la trajectoire de la pandémie, « elles gèrent ce qui est en leur pouvoir », remarque Stewart Glickman du cabinet CFRA. En plus de réduire les dépenses d’investissement, les dépenses opérationnelles et les effectifs, elles pourraient, au besoin, se séparer d’actifs non stratégiques, voire toucher à leurs dividendes. Mais « la demande va revenir », assure-t-il. Une compagnie comme ExxonMobil « a encore de beaux jours devant elle ».
Les majors voit bien par ailleurs que l’action du géant britannique BP, qui a annoncé cet été vouloir réduire sa production de pétrole et de gaz de 40% en dix ans et investir massivement dans les énergies renouvelables, est depuis en repli constant. « Cela n’incite pas vraiment ses concurrents » à suivre la même direction, remarque M. McNally. Au contraire. Chevron n’a pas hésité cet été à débourser 5 milliards de dollars pour racheter Noble et ses champs de pétrole au Texas et au Moyen-Orient. « Même si des questions persistent sur la reprise de la demande », la situation va évoluer, a affirmé le directeur financier d’ExxonMobil, Andrew Swiger, lors d’une conférence téléphonique.
À moyen terme, l’offre va s’ajuster à la demande et les prix vont remonter. A plus long terme, « les économies vont se rétablir, la vie des gens va s’améliorer et la demande en énergie va augmenter », a-t-il asséné.
Afp