A un mauvais diagnostic résulte forcément de mauvaises solutions. C’est le constat établi par le professeur Abderrahmane Mebtoul, dans un long rapport transmis au président de la République concernant la Conférence nationale 18/19 août 2020 sur le plan de relance économique. Pour M. Mebtoul, s’impose un bilan serein de la situation actuelle et des solutions adéquates pour faire face à la crise qui ne secoue pas seulement l’Algérie mais le monde. Un bilan ne saurait être la compilation des départements ministériels mais implique une vision globale, tenant compte tant de la situation interne qu’externe, les actions sectorielles devant se mouler au sein d’une fonction objective stratégique.
Selon le professeur, la conférence doit partir d’un bilan serein du cadre macro économique et macro social
« Pour l’Algérie, toute action opérationnelle doit au préalable analyser l’évolution du cours des hydrocarbures avec les dérivées des hydrocarbures représentent 98%, 70% hors hydrocarbures étant des dérivées des hydrocarbures, influant sur le taux de croissance, le taux de chômage, et le niveau des réserves de change. Nous devons être réalistes et devant éviter les déclarations euphoriques sur le mythe de l’exportation des matières premières brutes dont les prix notamment du fer et du phosphate, nécessitant de lourds investissements et exigeant un partenariat étranger. D’ailleurs, ils ont chuté depuis 10 ans d’environ 30/40% , procurant juste un profit moyen, et si les projets sont opérationnels en 2022, le seuil de rentabilité ne sera pas atteint au moins avant cinq à six ans », écrit M. Mebtoul dans son rapport.
Pour se projeter sur l’avenir, l’Algérie nouvelle impose, selon lui, une nouvelle gouvernance, un langage de vérité, la moralité des gouvernants, de rétablir la confiance pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires. Il y va de la sécurité nationale. L’avenir de l’économie algérienne repose sur six paramètres stratégiques, suggère-t-il: premièrement sur la plus grande cohérence des institutions centrales et locales par une dé-bureaucratisation, autour de cinq à six grands pôles régionaux, donc une véritable décentralisation qui paralyse les initiatives créatrices et non une déconcentration néfaste; deuxièmement, la réforme urgente du système socio-éducatif, du primaire au secondaire et le supérieur y compris la formation professionnelle, le savoir pilier du XXIème siècle, le foncier; troisièmement, la maitrise de la dépense publique, des coûts et la lutte contre les surfacturations et la corruption; quatrièmement, à moyen et long terme l’économie est dépendante de la croissance hors hydrocarbures s’insérant dans le cadre de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur la transition numérique et énergétique; cinquièmement, la maitrise de la pression démographique et de l’urbanisation pour un espace équilibré et solidaire; sixièmement,, la réforme du système financier ( douane, fiscalité, domaine, banques), lieu de distribution de la rente, enjeu énorme du pouvoir et la transparence de la gestion de Sonatrach dans la mesure où l’économie reposera encore pour longtemps sur le cours des hydrocarbures, impliquant un nouveau management de Sonatrach, expliquant l’audit exigé par le Président de la république, ce qui m’amène à aborder en détail ce sixième facteur déterminant pour l’avenir du pays.
Enfin, M. Mebtoul indiquera que sans une véritable réforme du système financier, synchronisé avec de profondes réformes institutionnelles, autour d’une véritable décentralisation des grands pôles régionaux, il est utopique d’aller vers un développement hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. Mais le plus grand obstacle au développement c’est la bureaucratie centrale et locale néfaste qui enfante la corruption. La majorité des rapports internationaux, donnent des résultats mitigés, sur le climat des affaires en Algérie où le pouvoir bureaucratique décourage les véritables investisseurs, le cadre macro-économique étant stabilisé artificiellement par la rente des hydrocarbures.
Quant à la finance islamique comme moyen de financement, précise-t-il, qui est de promouvoir l’investissement dans des actifs tangibles, il faut éviter l’utopie représentant en 2019 moins de 1% du financement global de l’économie mondiale (2500 milliards de dollars sur plus de 260.000 milliards de dollars), encore qu’il faille l’encourager.