Début juillet, la capitalisation boursière combinée de six leaders du secteur numérique — Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet (la maison mère de Google), Facebook et Netflix — atteignait les 6.500 milliards de dollars, soit un quart de la valeur des 500 plus grosses entreprises répertoriées par Standard & Poor’s. Un record, selon l’économiste Ed Yardeni, qui a réalisé ce calcul.
Ces sociétés « comptent parmi les plus grands bénéficiaires de la tourmente économique causée par la pandémie. Elles vont sans doute continuer à bénéficier des soubresauts bien après que la crise soit résolue », écrit-il dans un rapport.
Netflix a attiré 26 millions de nouveaux abonnés payants depuis le début de l’année. Les réseaux sociaux ont vu le niveau de communication, notamment vidéo, exploser ces derniers mois.
Les résultats trimestriels que s’apprêtent à publier les cadors du numérique devraient refléter l’accélération de l’adoption de leurs services à la faveur de la fermeture prolongée des écoles, bureaux, salles de spectacle, stades, etc.
Lors des précédents résultats, la crise sanitaire était encore appréhendée comme une parenthèse momentanée. Mais ses conséquences sur les habitudes à moyen et long terme se font désormais jour. « Plus le travail, l’éducation et le divertissement deviennent des activités sédentaires, plus ces entreprises prospèrent », commente Ed Yardeni.
La plateforme de commerce Amazon et ses serveurs d’informatique à distance sont devenus essentiels pour des millions de personnes, tandis qu’Apple a pu intensifier sa diversification dans les services dématérialisés.
Ces groupes « ont été les seules institutions qui ont semblé à la hauteur du problème » pendant la crise du coronavirus, remarque Chris Meserole, directeur adjoint de la branche sur les technologies émergentes de la Brookings Institution.
D’après une enquête de consommateurs menée par Brunswick Group dans 7 pays en mai, 70% des Américains et 65% des Européens pensent que « les entreprises technologiques ont utilisé leur taille et leur influence pour le bien commun dans la lutte contre la Covid-19 ». Mais les trois quarts considèrent aussi que les gouvernements « devraient être plus actifs dans la régulation » de ces mêmes sociétés. Aux Etats-Unis, cette opinion a progressé de 14 points en deux ans.
De nombreux élus et organisations de la société civile voient en effet d’un mauvais œil le renforcement de l’emprise de la Silicon Valley sur tous les aspects de la vie quotidienne.
Lundi, lors d’une audience sans précédent sur les pratiques anti-concurrentielles, les patrons des GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – vont être interrogés par des parlementaires américains de la commission judiciaire de la Chambre des représentants. Tous les quatre font aussi face à plusieurs enquêtes sur la concurrence ou la protection des données personnelles, au niveau fédéral et des Etats. « La route est semée d’embûches » pour ces firmes que les tentatives de régulation ont de quoi « inquiéter », écrit l’analyste Daniel Ives de Wedbush Securities dans une note.
A droite et au sommet de l’Etat, elles sont dans le collimateur du président et de son administration, qui voudraient faciliter l’accès des forces de l’ordre aux appareils et aux données cryptées des utilisateurs. De hauts responsables y voient un moyen de mieux lutter contre la criminalité (notamment la pédophilie). Les groupes répondent que de telles mesures affaibliraient la sécurité en ligne pour tout le monde. Donald Trump et des républicains estiment en outre que les réseaux sociaux sont biaisés contre les conservateurs, malgré leur popularité sur ces mêmes plateformes.
A gauche, de nombreuses ONG et parlementaires ont haussé le ton sur les contenus problématiques et la désinformation. Le contexte joue: la présidentielle de novembre approche et les mouvements contre le racisme battent leur plein aux Etats-Unis. La colère se concentre contre Facebook, boycotté par plus de 1.000 annonceurs à l’initiative d’associations appelant à une modération plus efficace des messages promeuvent la haine.
Selon Chris Meserole, Apple et Google ont conservé leur image de « bons citoyens » pendant la crise, notamment grâce à leurs efforts pour améliorer la technologie de traçage de contacts contre le coronavirus. Mais « toute la bienveillance que Facebook s’est attiré (au début du Grand confinement) s’est évaporée » ces derniers mois, continue l’expert, à cause de sa position jugée laxiste sur la façon de policer ses plateformes.
Afp