Le camp du maréchal Khalifa Haftar joue l’escalade verbale après l’échec de son offensive contre la capitale libyenne, en confirmant mardi son accord pour une éventuelle intervention directe de l’armée égyptienne contre une montée d’influence d’Ankara dans le pays en guerre.
La Libye, qui dispose des réserves de pétrole les plus abondantes d’Afrique, est déchirée par une lutte d’influence entre deux pouvoirs rivaux: le Gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU et basé à Tripoli et le maréchal Khalifa Haftar, qui règne sur l’Est et une partie du Sud. Le premier est soutenu par la Turquie, qui a des militaires sur place, et le second par l’Egypte voisine, les Emirats arabes unis et la Russie.
L’intervention militaire turque en Libye a été décisive pour le GNA qui a pu ainsi repousser l’offensive du maréchal lancée en avril 2019 contre Tripoli, et reprendre le contrôle de l’ensemble du nord-ouest du pays. La bataille s’organise désormais autour de la ville stratégique de Syrte, contrôlée par les pro-Haftar. Les deux camps ont déployé leurs forces autour de Syrte, située à mi-chemin entre Tripoli à l’ouest et Benghazi à l’est.
« Occupation turque »
« Aux forces armées égyptiennes d’intervenir pour protéger la sécurité nationale libyenne et égyptienne, si elles voient une menace imminente pour la sécurité de nos deux pays », a indiqué dans un communiqué diffusé dans la nuit de lundi à mardi le Parlement élu à l’Est en 2014, qui compte essentiellement des pro-Haftar. « Nous appelons à des efforts concertés entre les deux pays frères, la Libye et l’Egypte, pour assurer la défaite de l’occupant envahisseur (la Turquie) et préserver notre sécurité nationale commune », ajoute le communiqué. « Les dangers posés par l’occupation turque représentent une menace directe pour notre pays et pour les pays voisins, surtout pour l’Egypte », dit-il encore.
Le Parlement réagissait à un discours du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi du 20 juin, dans lequel il avait menacé d’intervenir en Libye, en réaction à une implication directe de la Turquie, et avait qualifié Syrte de « ligne rouge », mettant en garde les forces du GNA.
Le message de M. Sissi, perçu par le GNA comme une « déclaration de guerre », a reçu le plein soutien de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis, de Bahreïn et de la Jordanie, membres d’un axe pro-Haftar.
« Tambours de guerre »?
Les Emirats arabes unis ont eux aussi mis en garde mardi contre les menaces du GNA de prendre le contrôle de Syrte. Ces « tambours de guerre (…) peuvent avoir de graves conséquences politiques et humaines », a averti sur Twitter le ministre d’Etat aux Affaires étrangères Anwar Gargash. Il a appelé à un « cessez-le-feu immédiat », en invitant les Libyens à choisir « le dialogue ».
Mohamad Gnounou, porte-parole des forces du GNA, a, lui, promis mardi que son camp allait avancer vers les « villes prises en otages » et « d’éradiquer tous les groupes hors la loi », en allusion aux forces pro-Haftar.
« Le désir politique du Caire quant à une intervention égyptienne visible et officielle, reste très maigre », estime Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael de La Haye, minimisant la portée de l’escalade verbale. « L’Egypte a d’autres problèmes en ce moment. » « L’essentiel de la protection mise en place (par les pro-Haftar) pour conserver Syrte a été fournie par les mercenaires russes et syriens de Wagner (une milice réputée proche du président Vladimir Poutine), aidés étroitement par une mission émiratie toujours très active sur le plan logistique », ajoute l’expert. Même si le GNA se dit prêt à reprendre Syrte, « il ne l’est pas vraiment » car il faudrait d’abord « traverser un champ de mines antipersonnel à l’ouest de Syrte », explique M. Harchaoui.
AFP