Plusieurs capitales occidentales, de Washington DC à Berlin, en passant par Paris, ont fait entrer le Covid-19 dans une phase de guerre diplomatique. Ils accusent, plus ou moins directement, la Chine d’être responsable de la propagation du virus dans le monde.
Fortement critiqués par leurs opinions publiques du fait de leur réaction tardive et de leur impréparation face à la menace, des dirigeants occidentaux ont trouvé leur bouc émissaire.
Des comptes et des réparations sont demandés à la Chine : Le président américain est passé le premier à l’offensive et a fait savoir que la Chine est d’emblée coupable, du fait de sa gestion des premiers jours de la pandémie. On lui reproche un manque de transparence et une trop longue attente avant de prendre les mesures d’urgence. Les autorités chinoises ont aussi prêté le flanc à cette critique, en revoyant tardivement à la hausse le nombre des morts dans la région de Wuhan, la première touchée. Pour Donald Trump, la question est de savoir si le virus est accidentel et qui est responsable de sa propagation. A quelques mois des élections présidentielles, sa conviction semble déjà faite. Le discours de Donald Trump a rapidement trouvé son relai en Allemagne. Il reçoit rapidement le renfort de l’Allemagne : dans son édition du 15 avril 2020, « Der Bild », un quotidien le plus diffusé du pays, a publié un article titré : « Ce que la Chine nous doit déjà ». La rédaction de ce média, s’est inspirée d’une interview réalisée avec Michael Pompeo, le Secrétaire d’Etat Américain aux affaires étrangères, et où il déclarait : « Le temps viendra où les responsables devront rendre des comptes ». Le quotidien allemand publie ainsi une facture à présenter à la Chine et qui s’élèverait à 149 milliards d’euros.
La liste des dommages inclut 27 milliards d’euros de pertes pour le tourisme, 50 milliards d’euros pour les petits business ou encore 1 million d’euros par heure perdue pour le transporteur aérien Lufthansa. Les officiels allemands n’ont pas commenté cet article, ni en bien, ni en mal. La stratégie n’est pas différente de celle de la France, où de grands médias, suivis de quelques hommes politiques, ont docilement emboité le pas des Etats Unis pour charger la Chine.
La Chine, un bouc-émissaire très réactif : Mais la Chine n’est pas un bouc-émissaire passif. Elle a des arguments. « A l’heure où le monde entier se mobilise contre l’épidémie, des médias qui se prennent pour des parangons d’impartialité et d’objectivité, des experts et des politiciens de certains pays occidentaux semblent plus soucieux de calomnier, de stigmatiser et d’attaquer la Chine que de réfléchir aux moyens de contenir l’épidémie chez eux et dans le reste du monde », peut-on lire dans une note écrite par « un diplomate » chinois en poste à l’Ambassade de France.
Sur le retard dans la gestion de la crise, Pekin cite tout ce qui a été fait, « pendant que sur les chaînes de télévision occidentales, on traitait cette actualité, comme un fait divers ». « Si on considère toujours que la Chine a traîné, qu’ont donc fait les Européens et les Américains pendant les deux mois qui ont suivi le premier signalement de la Chine et un mois après la fermeture de Wuhan ? Leurs dirigeants ont déclaré qu’il ne s’agissait que d’une « grippette », qu’il était inutile de s’inquiéter, que le virus ne frappait que les Jaunes et que de fait, le risque de le voir circuler dans leurs pays était minime », peut-on lire dans ce document très offensif.
L’Afrique ne demande pas des réparations, mais de l’aide : Face à cette bataille, l’Afrique qui est, comme tout le monde, victime de la pandémie, semble observer la scène. Au mieux, elle tente de négocier une aide des pays occidentaux et de la communauté de bailleurs, alors que sa diplomatie pourrait elle aussi demander des réparations. En effet, dans presque tous les pays du continent, les premiers cas de Covid-19 sont venus d’Europe et non d’Asie. Le continent noir peut donc faire de même et demander des réparations pour cette « négligence » de la part de ses partenaires historiques.
D’autant plus qu’aujourd’hui, tant en Chine qu’en Europe, on craint qu’une épidémie mal maitrisée en Afrique pourrait provoquer une seconde vague mondiale de contaminations. Des cas de stigmatisations d’Africains à travers le monde commencent même à émerger, comme par exemple en Chine dans la ville de Canton.
Les institutions de Breton Woods et les pays riches ont finalement accepté de faire un geste, qui reste très modeste. Au total 77 pays parmi les plus pauvres de la planète, dont une quarantaine de pays africains, bénéficieront d’une « suspension » de remboursement de dette qui peut atteindre 27 milliards $, de la part des membres du G20. Déjà, au regard des engagements annoncés pour les pays développés, cette somme parait bien faible. Si on se réfère aux 8000 milliards $ annoncés au niveau international, l’assistance à l’Afrique représente 0,3% de ces engagements. En plus, la confirmation de cette suspension du remboursement de la dette se négocie pays par pays. Il faudra, pour chaque gouvernement qui souhaite en bénéficier, avoir déjà obtenu une des assistances du Fonds Monétaire International (FMI) qu’est la Facilité Rapide de Crédit, ou un Instrument de Financement Rapide. Autrement dit, pour obtenir une suspension du remboursement d’une partie de sa dette, il faudra encore s’endetter.
Et pour la dette climatique, que fait-on ? Enfin, si la communauté internationale envisage de faire payer des Etats jugés coupables de dommages internationaux, il faudra, au nom de ce nouveau principe, que l’Afrique songe à présenter une juste facture pour les conséquences du changement climatique dont elle n’est en rien responsable et dont la communauté scientifique internationale a clairement identifié les coupables. Plusieurs chefs d’Etat africains sont récemment montés au créneau, en promettant que leurs relations avec le monde ne seront plus les mêmes après le Coronavirus. La question est désormais de savoir jusqu’où doit aller l’Afrique dans la défense de ses propres intérêts.
Ecofin