Le prix du baril de pétrole canadien, le Western Canadian Select (WCS), est brièvement passé sous la barre des 0 $ lors de transactions effectuées au cours des dernières heures. Cette situation hors du commun signifie que des producteurs paient des acheteurs pour qu’ils prennent leurs produits afin de désengorger le système.
Agir autrement pourrait contraindre des producteurs à arrêter leurs opérations, ce qui s’avérerait encore plus coûteux.
L’or noir canadien chute dans le sillage des cours mondiaux du pétrole, déprimés par les inquiétudes sur la saturation des capacités de stockage aux États-Unis et la baisse de la demande. « Le Western Canadian Select s’échange à des prix négatifs« , a déploré le premier ministre albertain dans une série de tweets publiés avant minuit dimanche. « Tuer et retarder des pipelines nous a enclavés. La COVID-19 a fait chuter la demande. La guerre des prix Russie-Arabie-saoudite a fait augmenter l’offre, remplissant les inventaires« , a-t-il ajouté pour résumer la situation.
Kenney dit apprécier que le gouvernement Trudeau ait annoncé diverses mesures pour venir en aide aux travailleurs du secteur la semaine dernière. « Mais de nouvelles mesures sont urgemment nécessaires pour assurer l’avenir d’une partie énorme de l’économie canadienne », ajoute-t-il. Il souligne par exemple ce que le Canadaa fait pour le secteur de l’automobile en Ontario, dans la foulée de la crise financière de 2008.
Le gouvernement avait alors offert d’importants prêts aux grands constructeurs automobiles pour éviter qu’ils ne fassent faillite. Il était même allé jusqu’à acheter des actions de General Motors.
Le prix du baril de pétrole américain poursuit aussi sa chute libre lundi perdant plus de 30 % sous 13 $US le baril, son plus bas depuis plus de deux décennies, face à une chute vertigineuse de la demande et des réserves américaines près de la saturation.
Le baril américain de WTI pour livraison en mai, dont c’est le dernier jour de cotation, dégringolait d’environ 38 % à 11,04 $US vers 7 h 55 (HAE), soit son plus bas niveau depuis 1998. À titre de comparaison, il valait environ 114 $US en 2011.
De son côté, le baril de Brent de la mer du Nord, référence européenne, était moins affecté. Il cédait 6,05 %, à 26,38 $US vers 8 h 05 (HAE).
Les marchés du pétrole n’en finissent pas de plonger depuis des semaines alors que les restrictions de déplacements dans de nombreux pays et la paralysie de nombreuses économies à cause de la crise du coronavirus ont fait fondre la demande, d’autant qu’une profonde récession s’annonce dans le monde.
Côté offre, le marché a été inondé de pétrole à bas coût après que l’Arabie saoudite, membre éminent de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), a lancé une guerre des prix avec la Russie pour obtenir un maximum de parts de marché.
Les deux pays ont mis un terme à leur différend au début du mois en acceptant, avec d’autres pays, de réduire leur production de près de 10 millions de barils par jour pour stimuler les marchés touchés par le virus. Mais les prix ont continué à dégringoler quand il est devenu clair que les réductions promises ne suffiraient pas à compenser la chute massive de la demande. La plupart des analystes estiment à 30 millions de barils par jour, soit quelque 30 % de la consommation mondiale.
Le contrat sur le baril de WTI pour livraison en mai expirant lundi soir, ceux qui en détiennent doivent trouver des acheteurs physiques au plus vite. Mais les stocks ayant déjà énormément gonflé aux États-Unis ces dernières semaines, ils sont contraints de brader leurs prix. Michael McCarthy, responsable stratégie pour CMC Markets, note que la chute du WTI traduit un excès de stocks de brut au sein du terminal de Cushing, en Oklahoma.
L’indice de référence américain est maintenant découplé de celui de Brent, référence du pétrole européen, et « l’écart entre les deux a atteint son plus haut niveau en une décennie », a-t-il souligné dans une note.
L’agence américaine de l’information sur l’énergie a indiqué la semaine dernière que les stocks de brut de la plus grande économie mondiale avaient augmenté de 19,25 millions de barils la semaine précédente, ajoutant aux malheurs d’un marché mondial qui était déjà sur-approvisionné avant même la pandémie de covid-19. Sukrit Vijayakar, analyste pour Trifecta Consultants, souligne que les raffineries américaines ne parviennent pas à transformer le pétrole brut assez vite, ce qui explique qu’il y ait moins d’acheteurs et des réserves qui se remplissent.
Il y a un afflux de livraisons du Moyen-Orient et personne pour les acheter parce que les coûts de transport sont élevés, explique-t-il.
Malgré cette chute, une lueur d’espoir pour la référence américaine : le WTI pour livraison en juin, qui deviendra le contrat de référence mardi, résistait un peu mieux, ne perdant que 11,07 % à 22,26 $US. Une telle différence entre deux échéances aussi rapprochées est extrêmement rare, voire inédite.
Cela signifie que « personne ne veut ce que tu vends aujourd’hui, mais (que certains) pourraient en vouloir dans le futur », a souligné Jeffrey Halley, analyste pour Oanda.
La baisse de plus de 60 % du prix du baril depuis janvier compromet la rentabilité de nombreuses compagnies pétrolières, notamment dans le pétrole de schiste en Amérique du Nord, ce qui se traduit par des fermetures de puits et des coupes dans les investissements.
Ce mouvement se répercute sur l’ensemble du secteur: le géant américain des services parapétroliers Halliburton a annoncé lundi une perte d’un milliard de dollars et dit s’attendre à une poursuite de la baisse de son chiffre d’affaires et de sa rentabilité.
Afp