Le baril américain de pétrole a poursuivi sa descente aux enfers lundi, enregistrant une chute record pour tomber temporairement sous les 5 dollars, son plus bas niveau historique, face à une chute vertigineuse de la demande et des réserves américaines près de la saturation.
Le baril américain West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en mai, dont le dernier jour de cotation est mardi, dégringolait de plus de 70% à 5,48 dollars vers 17H15 GMT après avoir plongé jusqu’à 4,04 dollars. Il valait encore 60 dollars au début d’année.
De son côté, le baril de Brent de la mer du Nord, référence européenne, était beaucoup moins affecté, il cédait 6%, à 26 dollars environ.
Selon Craig Erlam, analyste pour Oanda, c’est « la plus importante chute en une journée » depuis la cotation du WTI, en mars 1983.
Le marché du pétrole connaît de fortes chutes depuis des semaines alors que les restrictions de déplacements dans de nombreux pays et la paralysie de nombreuses économies à cause de la crise du coronavirus ont fait fondre la demande, d’autant qu’une profonde récession s’annonce dans le monde.
Côté offre, le marché a été inondé de pétrole à bas coût après que l’Arabie Saoudite, membre éminent de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), a lancé une guerre des prix avec la Russie pour obtenir un maximum de parts de marché.
Les deux pays ont mis un terme à leur différend au début du mois en acceptant, avec d’autres pays, de réduire leur production de près de 10 millions de barils par jour pour stimuler les marchés touchés par le virus.
Mais les prix ont continué à dégringoler quand il est devenu clair que les réductions promises ne suffiraient pas à compenser l’effondrement de la demande.
Dans ce contexte de marché « extrêmement déséquilibré », entre la chute de la demande et une offre surabondante, « les gens se précipitent pour se décharger » de leurs achats de pétrole, a ajouté M. Erlam auprès de l’AFP.
Or le contrat de WTI pour livraison en avril expire mardi à la clôture et ceux qui en détiennent doivent en effet trouver des acheteurs physiques au plus vite. Mais les stocks ayant déjà énormément gonflé aux Etats-Unis ces dernières semaines, ils sont contraints de brader leurs prix.
« C’est un peu trompeur de se focaliser sur le contrat de mai », souligne toutefois Matt Smith de ClipperData. « Il y a beaucoup plus d’échanges sur le baril pour livraison en juin », qui résistait mieux: il évoluait en baisse d’environ 11% lundi à 22 dollars.
Il est vrai, ajoute M. Smith, que les prix du baril de pétrole dans certaines zones aux Etats-Unis comme dans le Wyoming où le pétrole est de faible qualité, ou au Canada, sont devenus négatifs, « ce qui signifie que certaines personnes paient pour se débarrasser de leur pétrole », note M. Smith.
– Faible demande –
« Les Etats-Unis, en tant que marché enclavé, ont les plus importants problèmes de stockage », a renchéri Jasper Lawler, analyste pour London Capital Group.
« La demande est tellement inférieure à l’offre que les réserves pourraient déjà avoir atteint 70% à 80% de leurs capacités », a-t-il ajouté.
L’Agence américaine de l’information sur l’énergie a indiqué la semaine dernière que les stocks de brut de la plus grande économie mondiale avaient augmenté de 19,25 millions de barils la semaine précédente, ajoutant aux malheurs d’un marché qui débordait déjà d’or noir avant la pandémie de covid-19.
Sukrit Vijayakar, analyste pour Trifecta Consultants, souligne que les raffineries américaines ne parviennent pas à transformer le brut assez vite, ce qui explique qu’il y ait moins d’acheteurs et des réserves qui se remplissent.
Il y a un afflux de livraisons du Moyen-Orient sur le marché et personne pour les acheter « parce que les coûts de transport sont élevés », explique-t-il à l’AFP.
AFP