Dans cet entretien, l’expert du domaine de l’automobile, M.Yaddadene donne son avis sur les dernières déclarations du ministre de l’Industrie concernant l’industrie automobile. Selon M.Yaddadene, avoir des prix compétitifs restera un rêve à accomplir pour notre industrie et notre marché et l’importation des VO de moins de trois années n’est pas une priorité pour notre économie.
Algérie-Eco : Le ministre de l’industrie vient de s’exprimer sur l’industrie automobile. Selon lui, pour casser les prix des voitures, la solution est de les produire localement. Êtes-vous de cet avis?
M. Yaddadene : Cela reste difficile à réaliser dans la mesure où un projet industriel dans le sens large du terme avec tous les ateliers en commençant par l’emboutissage jusqu’aux tests sur banc et sur piste, sera lourd en investissements d’où des coûts de production assez élevés. Si cela correspond à une stratégie bien réfléchie avec des partenaires disposés à aller dans ce sens ce n’est que du bonus pour le marché algérien et l’industrie locale. A ma connaissance le tissu industriel devant accompagner et intégrer une usine de fabrication reste le problème et je ne vois pas comment régler cette étape dans l’immédiat, toute fois à long terme tout restera possible mais selon les partenaires ciblés car ces derniers doivent avoir des structures de coûts très basses avec le concours d’un tissu industriel qui va les accompagner chose qu’on n’a pas encore, tout en pensant aux mesures incitatives devant convaincre et surtout offrir des garanties et rassurer le groupe automobile qui se lancera dans un tel projet. Avoir des prix compétitifs restera un rêve à accomplir pour notre industrie et notre marché.
Nous voulons une usine de voitures et non pas un garage pour monter des voitures, a-t-il déclaré. Quel commentaire faites-vous dans ce sens?
C’est ce que nous souhaitons pour notre pays mais comme je viens de vous le dire, il s’agit d’un choix stratégique qu’il faudra faire valoir avec les partenaires ou les groupes concernés qui ont besoin d’être rassurés par des garanties sur le long terme. Je partage cet avis dans la mesure où il faut développer un tissus industriel de PME et PMI devant accompagner un grand projet industriel afin d’éviter les erreurs du passé. Je crois que l’expérience de Tanger au Maroc est à réfléchir avec des constructeurs intéressés par le marché algérien mais également par l’export vers d’autres zones.
Le ministre a indiqué que les opérateurs qui activent actuellement dans l’assemblage, une fois les nouvelles dispositions des cahiers des charges prêtes, ils payeront les droits de douanes. Qu’en pensez-vous?
C’est des choix stratégiques qu’il faut appliquer cela va sanctionner les marques qui ont investi dans ce créneau qui doivent revoir leurs choix en fonctionnement de la nouvelle réglementation et du cahier des charges qui verront le jour aussi. Soit les opérateurs acceptent les nouvelles mesures ou c’est la fermeture des projets dont certains risquent d’être des morts nés (Ndlr : en phase de réalisation mais qui peuvent ne pas voir le jour). A moins que les capacités de négociation des prix à l’achat nous réservent des surprises d’autant plus que chaque opérateur est libre de choisir ses partenaires ou d’investir tout seul. Cela obéira aux règles du marché mais chaque investisseur a besoin de garantie et d’assurance pour se lancer dans un projet de fabrication. L’Iran a bien réussi son industrie automobile au point de créer ses propres marques en achetant des technologies chez certains constructeurs.
Sur l’importation des véhicules d’occasion Ferhat Ait Ali a annoncé que les véhicules d’occasion à moteurs diesel sont exclus de l’importation du fait qu’ils seront interdits dans toute la région d’ici maximum trois ans. Quel commentaire faites-vous à ce sujet?
A mon avis l’importation des VO de moins de trois années n’est pas une priorité pour notre économie. Il ne faut pas revivre les mauvaises expériences du passé mais surtout en tirer des conclusions pour éviter les erreurs. Les prix ne sont plus les mêmes en Europe et ces véhicules risquent de coûter plus chers que les véhicules neufs. Pour le diesel, c’est un choix mais sachez que le marché automobile en Algérie est très orienté vers le diesel au vu des produits importés (beaucoup de SUV, de segments supérieurs…) et des prix des carburants, pour les véhicules hybrides ou électriques, on doit se préparer et s’organiser sur tous les plans avant de s’aventurer.
Je pense que la mise en œuvre d’une stratégie à long terme est la seule garante des choix à définir car chaque programme à mettre en œuvre a besoin de réflexion, d’analyse et surtout d’anticipation pour l’avenir de notre industrie, il y’a des scientifiques et des chercheurs algériens de par le monde qui pourront y contribuer.