Dans cet entretien, l’expert en énergie, M. Hasni s’exprime sur différents sujets qui font l’actualité du secteur à commencer par la relance du projet Desertec et ensuite le développement de l’infrastructure de qualité en énergie solaire. Il donne également son avis sur l’exploitation du gaz de schiste et enfin sur la volonté de British Petroleum de reprendre l’investissement en Algérie.
Algérie-Eco : Le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, a annoncé la relance des consultations concernant le projet de production d’électricité par l’énergie solaire Desertec. Quel commentaire faites-vous sur ce sujet?
M. Hasni : Le Ministre a annoncé qu’un accord serait signé en avril entre Sonelgaz et Desertec. Cependant si nous reprenons les déclarations du PDG de Sonelgaz qui après la réunion à Berlin avait annoncé qu’il allait signer un accord pour la formation et le transfert de technologie, il devient difficile de donner un contenu précis à cet accord. Il ne peut s’agir d’un accord de discussion de gré à gré pour un projet d’investissement entre Sonelgaz et DII qui est une société d’investissement constituée de ACWA société saoudienne, de la société chinoise du transport électrique et de la société allemande Innogy développeur de projets en énergies renouvelables. C’est contraire à loi sur l’électricité, d’autant plus que nous pensons que nous avons notre Desertec Algérien, nous n’avons pas besoin de solliciter une expertise pour cela. Le temps ne nous pardonnera pas notre retard.
Le Commissariat aux Energies Renouvelables et à l’Efficacité Energétique (CEREE) a procédé, à l’installation d’un groupe de travail multisectoriel chargé du développement de l’infrastructure de qualité en énergie solaire et efficacité énergétique. Qu’en pensez-vous?
Si l’idée derrière cette création vise d’abord à créer une infrastructure de qualité. On suppose que c’est la qualité des équipements importés. Il est plus logique de contribuer à la mise en forme des normes algériennes pour ces équipements. Ceci devrait être pris en considération par l’institution existante en charge de cela. En ce qui concerne l’efficacité énergétique, il ne faut pas oublier aussi qu’une autre institution existe pour cela, c’est l’APRUE. Il nous semble que les mesures d’austérité que doit mener l’Etat au vu des contraintes budgétaires, devrait commencer par supprimer toutes les entités créées sans aucun résultat à ce jour. Dans tous les cas, il faut arriver à comprendre que le pays a besoin de toutes ses ressources, au moment que sa vulnérabilité augmente. Il faut savoir que la principale reste le « temps ». On ne peut se disperser et perdre un temps précieux. La crise frappe à nos portes. Il y a des sages au niveau du pays, ils sont experts renommés, à l’image du Professeur Chitour. De grâce, laissons-lui le soin de coordonner la réflexion globale pour le bien du pays.
La volonté gouvernementale d’exploiter rapidement en Algérie le gaz de schiste fait l’unanimité tout en ayant une forte opposition. A votre avis qui a raison et qui a tort ?
La question du gaz de schiste doit être laissée aux experts en la matière. Les lobbys qui menacent notre pays sont puissants. Le Hirak a bien ciblé ces lobbys. Le Président a d’ailleurs clos le sujet en décidant de confier la question aux seuls experts algériens.
British Petroleum est intéressée par la reprise de l’investissement en Algérie. Faut-il à votre avis développer plus le partenariat dans ce domaine?
BP est intéressée, elle devait exprimer ses intérêts, au moment où le brexit a été annoncé. La coopération avec la Grande Bretagne devrait prendre une nouvelle forme. Votre question mérite des clarifications. Faut-il comprendre que le domaine en question est le gaz de schiste. A cette question, vous avez suffisamment d’éléments fournis pour comprendre qu’hormis les USA, le gaz de schiste ne peut se développer ailleurs au moment où le gaz avait un prix suffisant pour assurer une rentabilité aux investisseurs. Avec un prix actuel en dessous de 2 $ /MMBTU, aucun pays tenté par le mirage du schiste n’a réussi. Les exemples de l’Argentine ou de la Chine sont là. Toutes les grandes compagnies en mesure de s’engager dans ce domaine souffrent de manque de liquidités. Elles vendent leurs actifs.
Il y a des difficultés rencontrées par les grands groupes pétroliers : La baisse des liquidités dues aux prix bas du pétrole et du gaz de schiste. L’impact du changement climatique et l’orientation de ces groupes vers la réduction des émissions de gaz.
Il est évident que si les hydrocarbures conventionnels n’assurent pas une rentabilité aux investisseurs, ils ne peuvent prendre le risque d’aller dans le gaz de schiste qui offre une rentabilité plus faible que le pétrole de schiste. Par ailleurs tous les bailleurs de fonds excluent le financement des hydrocarbures.
Entretien réalisé par Imène A.