A l’occasion de la sortie de son nouveau livre intitulé « Retours d’histoire, l’Algérie après Bouteflika », l’historien français, né à Constantine, Benjamin Stora, est revenu, dans un entretien accordé au journal La Croix, sur le Hirak et la situation politique en Algérie.
Interrogé sur l’échec ou la réussite du Hirak, après onze mois de son déclenchement, M. Stora a indiqué qu’« après des années d’humiliation, affublés d’un président invisible représenté par un portrait auquel on offrait des cadeaux, les Algériens ont renoué avec la fierté d’être algérien ».
Il a souligné qu’« en l’espace d’un an de combat politique, ce mouvement n’a pas pu désigner de représentants ni se structurer pour apparaître comme un contre-pouvoir crédible. Pourtant c’est une réussite si l’on mesure combien il a bouleversé la société ».
L’historien estime que le Hirak constitue un moment de rupture, en expliquant que « pour la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie, un président en exercice est contraint de quitter le pouvoir par un mouvement populaire. Des personnages clés du système et des oligarques ont été arrêtés et incarcérés ».
« Chose inimaginable », pour Benjamin Stora, notamment au vu de leur prestige et de la peur que ces personnalités inspiraient, que de tels puissants personnages finissent un jour derrière les barreaux. Il a par ailleurs estimé que « la France pose un regard d’immobilisme absolu sur l’Algérie », expliquant que « de sorte que lorsque la révolution éclate le 22 février on n’y croit pas ».
Évoquant la tradition révolutionnaire de l’Algérie, l’historien a indiqué que « les Algériens n’ont pas connu l’état de droit, ni à l’époque coloniale, ni après l’indépendance », ajoutant que « cette conquête de l’état de droit, ancienne, ne peut exister que par des démarches de rupture. D’où cette radicalité de la société que l’on ne trouve nulle part ailleurs ».
Questionné sur la volonté des nouveaux dirigeants du pays, le président Tebboune et le premier-ministre Djerad, d’initier un changement, M. Stora explique qu’ « on ne peut pas se lancer dans le jeu des pronostics », soulignant que « bien malin celui qui pourrait dire ce sont toujours les mêmes hommes, rien n’a changé » .
Il a rappelé, à ce propos, qu’ « il y a un an, on était persuadé que tout continuerait à l’identique. Toutefois, l’historien admet que « si aucun contre-pouvoir ne s’organise, le risque de déboucher sur un système à l’égyptienne, avec une armée pleinement aux commandes, arguant de la menace aux frontières avec la Libye, le Mali et le Niger, ne peut être exclu ».