Le politologue Mohamed Hennad a estimé dans un entretien publié dans El Watan de ce jeudi, que « le Hirak n’est pas censé désigner des représentants », le faire serait « une aventure suicidaire ».
« Vous savez, cette idée de main tendue est trop souvent une simple clause de style », a-t-il répondu au sujet de « la main tendue » au Hirak par le nouveau président de la république Abdelmadjid Tebboune.
Selon lui « elle est généralement évoquée à la suite d’un fait accompli qui ne laisse guère de choix à la partie concernée que d’accepter un dialogue qui comporte toujours le risque d’être trop asymétrique ».
« Je continue à penser que le Hirak n’est pas censé désigner des représentants et, d’ailleurs, ce n’est nullement une bonne idée. Bien au contraire, ce serait une aventure suicidaire », a estimé le politologue.
Il a expliqué que « maintenant qu’un nouveau président de la République est élu, c’est au pouvoir de proposer les voies et moyens susceptibles de mettre fin à la crise politique. À charge pour l’opinion publique d’en juger la pertinence ».
Au sujet de l’indépendance de la Justice, Hennad a indiqué qu' »l faut faire, quand même, la part des choses ». « D’abord, l’institution judiciaire ne peut pas se libérer complètement de la tutelle du pouvoir en un temps si court. Surtout au vu de sa situation avant le Hirak qui l’a aidée à commencer son processus d’indépendance. »
« L’Algérie traverse bien une période transitoire »
Ensuite, a-t-il ajouté qu' »on l’admette ou non, l’Algérie traverse bien une période transitoire. Preuve en est les appels au dialogue, que ce soit côté pouvoir ou côté Hirak, pour s’entendre sur la manière dont le pays doit être le mieux géré. Enfin, l’indépendance de la justice reste tributaire de la qualité du magistrat, non seulement d’un point de vue éthique mais aussi du point de vue formation ».
« Et le moins que l’on puisse dire est que la formation de ces magistrats laisse souvent à désirer, vu la situation déplorable dans laquelle se trouve l’enseignement supérieur en Algérie. Ajoutez à tout cela la nature de la culture nationale qui n’aide pas à vaincre le népotisme », a-t-il expliqué, ajoutant qu' »il faut s’attendre à un certain apaisement de la part du régime dans les prochains jours. Les mesures seront-elles sincères et suffisantes ? Attendons pour voir ! »
Pour le politologue « la dernière élection n’a nullement résolu la crise du pouvoir ! », en expliquant cela par le fait que « la faiblesse du taux de participation enregistré dans une élection aussi décisive pour l’avenir du pays, cette foi-ci plus que jamais ! Ensuite le fait qu’une région toute entière n’ait pas voté ».
« À vrai dire, nous continuons, depuis l’annulation de l’infâme 5e mandat, à vivre une transition politique. Et cette transition ne saurait prendre fin tant qu’on ne se sera pas entendu sur un processus électoral, qui sera couronné par un scrutin dont les résultats ne seront pas contestés », a-t-il dit.
Le décès de Gaïd Salah « un coup très dur pour le nouveau Président »
Pour Hennad le décès du général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah inhumé mercredi, ne va nullement chambouler les calculs de l’état-major et du pouvoir, et ce du moins pour le court terme.
Pour cela, le politologue avance deux raisons : « primo, le haut commandement de l’armée a travaillé et pris beaucoup de décisions ensemble, sous la houlette du défunt, pendant de longs mois. Deuxio, ce commandement ne peut pas se permettre de changer de cap du jour au lendemain au risque d’ajouter de l’huile sur le feu de la crise du pouvoir que connaît l’Algérie depuis le début du Hirak contre le 5e mandat », a-t-il argumenté.
En outre, il a estimé que la mort « subite » d’Ahmed Gaïd Salah, une semaine à peine après l’investiture de Tebboune, a été « un coup très dur pour le nouveau Président, parce qu’elle est survenue au moment où celui-ci avait le plus besoin de son ‘accompagnement' ».
« Si le retrait ou la disparition du chef d’état-major avait eu lieu après quelques mois, cela aurait été bénéfique pour M. Tebboune qui sera, ainsi, plus libre de ses mouvements grâce à son affranchissement d’une tutelle qui aurait été trop lourde à supporter », a-t-il expliqué, ajoutant qu' »il faut attendre les actes du nouveau chef d’état-major, que d’aucuns n’ont pas tardé à le présenter comme le bon choix pour ses qualités tant intellectuelles que professionnelles. Mais il faut ajouter aussi le facteur Hirak et la manière dont celui-ci évoluera. »