Dans les hautes sphères du pouvoir, le bon déroulement du scrutin du 12 décembre ne fait pas de doute et la légitimité du président qui en est issu, est indiscutable. C’est avec cette insolente certitude, feinte ou réelle, qu’Abdelmadjid Tebboune « vainqueur » de la consultation électorale du 12 décembre 2019, a prêté serment ce jeudi et prononcé son premier discours à la nation dans lequel il a formulé une avalanche de promesses,parmi lesquelles, sa volonté de lutter contre la corruption, de redresser l’économie en déclin, de réduire les impôts, et même de s’intéresser de plus près aux problèmes écologiques.
Il n’a, par contre, jamais fait allusion aux détenus politiques dont le Hirak réclament pourtant la libération immédiate, comme s’il voulait signifier que ce type de décisions relève de la seule autorité du chef d’état major et du système judiciaire qui lui est à l’évidence inféodé.
Au regard des principaux dirigeants présents dans l’hémicycle,on ne peut s’empêcher de constater l’âge très avancé de ceux qui président aux destinées de l’Algerie dont la moyenne d’âge de la population ne dépasse guère 38 ans. Avec ses 75 ans révolus le nouveau président n’échappe pas à cette règle qu’avait instauré Abdelaziz Bouteflika qui, à 85 ans réclamait encore un mandat de plus.
De cet hémicycle, on ne peut évidemment entendre les clameurs de la rue investir depuis bientôt 10 mois par des millions d’algériens pour réclamer exactement le contraire de ce qui leur a nouveau été imposé. Les manifestants du Hirak revendiquaient haut et fort une période de transition au terme de laquelle, ils éliraient le président de la république de le choix sur des bases saines. Une revendication que le pouvoir a, à l’évidence, ignorée en imposant la date du scrutin, les candidats âge la course électorale mais, pire encore, l’élu leur choix.
Une véritable douche froide pour les millions d’algériens qui ont investi beaucoup de temps et d’énergie à manifester leur refus de ce genre d’éventualité et qui ne pouvaient imaginer un seul instant, que le pouvoir allait entériner une élection conduite de manière brutale et le choix qui en résultat, en dépit des malversations et truquages qui avaient émaillées en Algérie comme a l’étranger, ce passage en force. Le pouvoir qui semblait beaucoup plus craindre le rejet des gouvernements étrangers que la désapprobation du peuple algérien, a eu la chance recevoir très vite la reconnaissance des capitales étrangères. à commencer par celles des pays arabes, rapidement suivies par les États Unis, la Russie, la Chine, la France et bien d’autres nations.
Tout ce beau monde semble disposé, pour une raison ou une autre, à travailler avec ce chef d’Etat pourtant très mal élu,dans un pays où la contestation populaire orientée contre le système politique en place et « le président de la fraude » ne faiblit pas.
Prenant possession de son mandat présidentiel à la veille des grandes manifestations, on se demande évidemment quelle tournure prendront les sorties populaires massives du 44e vendredi du Hirak. Si,comme il est attendu, les manifestations prennent davantage d’ampleur et de radicalisation, il est évident que Tebboune et les généraux qui le soutiennent, se verraient obligés d’aller vite en besogne en matière de dialogue avec les leaders du Hirak, en acceptant le maximum de leurs exigences.
Des mesures d’apaisement que Tebboune n’évoque même pas dans son discours seraient alors indispensables. Elles consisteront,entre autres, à relâcher tous les prisonniers d’opinion, à mettre fin à la répression et au climat de terreur instauré par son mentor Gaid Salah. L’ouverture des champs politiques et médiatiques pourraient également être accordées pour calmer le Hirak. Ça ne sera évidemment pas facile pour Tebboune qui ne détient pas la réalité du pouvoir toujours aux mains des généraux, de prendre ce genre de décisions,mais la pression du Hirak pourrait lui donner le courage politique de le faire.
L’idée que le haut commandement militaire songe à en finir avec le Hirak au moyen de la répression est cependant à exclure, car de nombreux pays ont les yeux braqués sur ce mouvement pacifique, pour lequel leurs peuples éprouvent souvent une réelle sympathie. On pencherait par contre beaucoup plus pour la poursuite du mode de répression actuel, au moyen des forces de l’ordre et d’une justice aux ordres. Les actions qui seront prises dans les tous prochains jours, donneront la mesure des réelles intentions du président qui s’installe et du système politique algérien dominé par les militaires,qui s’éternise.