La base électorale du Front de libération nationale (FLN) n’avait pas validé un 12 décembre 2019 l’investiture du candidat Azzedine Mihoubi. Explication.
Une semaine après l’élection présidentielle, le nombre de voix en faveur du candidat du RND (619.225) suscite toujours autant d’interrogations. D’autant que le bureau politique du FLN, par la voix de son secrétaire général par intérim Ali Sediki, avait décidé peu de jours avant le scrutin de lui apporter son soutien. Avec deux machines électorales telles que les deux qui occupent l’essentiel des deux chambres du Parlement, son score de 7,26%, derrière ceux de l’imprévu Bengrina (17,37%) et de l’indésirable Benflis (10,55%) et à peine meilleur que celui du fantomatique Belaid (6,67%), laisse pantois.
À moins que…
À moins qu’animée d’une volonté de vengeance ou d’une liberté mue par le rejet des hiérarchies porté par le Hirak, la base électorale du FLN a été conduit à reproduire le geste de Caïn à l’encontre de son frère Abel. Un fratricide qui trouve moultes raisons dans le passé tortueux des deux partis depuis la naissance du benjamin en 1997. Mais la rupture profonde que masquait mal la traditionnelle Alliance Présidentielle derrière chacun des mandats de Bouteflika – la campagne pour le cinquième comprise –, s’est produite l’été 2017.
Aux origines de la trahison
L’actuel président de la République, Abdelmadjid Tebboune, occupait alors la charge de Premier ministre. Ce que peu savent, en revanche, c’est qu’il était également membre du comité central du FLN. Alors comment s’étonner de l’indignation ayant emporté les adhérents du parti majoritaire à l’APN lorsque le chef du Gouvernement, dont il est issu, s’est trouvé brutalement mis à la porte, à la faveur d’une tractation conclue par la tripartie Saïd Bouteflika – Ali Haddad – Abdelmadjid Sidi Saïd ? Aux funérailles de l’historique Réda Malek, les compères n’avaient-il ostensiblement affiché leur union et leur jubilation, à l’idée de leurs manigances, face à un Tebboune stoïque ?
Que penser alors de ce limogeage à la lumière des mesures prises par Tebboune juste avant, égratignant les intérêts du lobby des importateurs dans une démarche protectionniste ? Que penser de son remplacement par l’ultra-libéral Ouyahia, alors secrétaire général du RND, le parti qui occupait 15% des sièges de l’APN contre 26% pour le FLN ? Ce sempiternel retour avait marqué un tournant idéologique et un irrespect de la représentation parlementaire. La trahison de trop pour les bonnes âmes du vieux parti qui se doutaient bien qu’on profitait de l’état végétatif d’Abdelaziz Bouteflika.
L’eau n’a, semble-t-il, pas coulé sous les ponts depuis. Et la conjoncture impulsée par le Hirak a donné des ailes à la base électorale du FLN, qui est allé jusqu’à voter à contre-courant de la consigne de vote de la haute instance. Un cadre du parti nous confie même qu’une réelle remise en cause du bureau politique, accusé d’émaner de la « Issaba », s’opère dans le réservoir de voix traditionnel du parti. Une remise en cause qui s’explique par la victoire du candidat Tebboune dès le premier tour (58,13% des suffrages) et qui permettrait de sauver la face au parti, que le Hirak destinait au musée. Reconfiguration et repositionnemment, dans un paysage partisan encore à définir, mais avec un frère ennemi dorénavant plus ennemi que frère.