Dans un communiqué samedi soir, le parquet général a fait état d’autres enquêtes en cours « à propos de meurtres et de crimes contre l’humanité » dans plusieurs régions du pays ayant connu des rébellions, ou encore du coup d’État qui a porté Béchir au pouvoir en 1989.
La condamnation de l’ex homme fort du pays survient à quelques jours du premier anniversaire du soulèvement populaire, spontané et inédit, qui a entraîné son arrestation le 11 avril, et débouché en août sur la formation d’autorités de transition vers un pouvoir civil.
Béchir, 75, ans était jugé par un « tribunal spécial » depuis le mois d’août pour avoir reçu des fonds de l’Arabie saoudite. Il a été déclaré coupable de « possession de devises étrangères » et de « corruption » dans le cadre de cette affaire.
Le juge Al-Sadeq Abdelrahmane a expliqué que l’ex-président serait placé dans un centre correctionnel pour personnes âgées car, selon la loi, toute personne ayant plus de 70 ans ne peut être placée en prison. Mais en attendant que la justice se prononce sur une autre affaire –des meurtres commis lors des manifestations ayant conduit à sa chute–, il restera en prison, a indiqué M. Abdelrahmane. Le juge a également prononcé la confiscation des fonds retrouvés chez M. Béchir après son arrestation en avril.
Selon un témoin, l’ex-président aurait donné quelque cinq millions d’euros au redouté groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (RSF).
Si Béchir a reconnu avoir perçu un total de 90 millions de dollars (81 millions de d’euros) de la part de dirigeants saoudiens, le procès ne concernait que 25 millions de dollars (22,5 millions d’euros) reçus peu avant sa chute du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Le Soudan et l’Arabie saoudite entretiennent de relativement bonnes relations, Khartoum ayant envoyé notamment des troupes au Yémen dans le cadre d’une coalition menée par Ryad, intervenue militairement dans ce pays en 2015 contre les rebelles Houthis. L’un des avocats de Béchir a indiqué qu’il ferait appel.
L’Association des professionnels soudanais, acteur majeur du soulèvement populaire anti-Béchir, a salué sur Twitter sa condamnation et s’est réjoui qu’il y ait « d’autres affaires » en cours.
Le parquet général a en effet confirmé des enquêtes sur des affaires « de meurtres et de crimes contre l’humanité au Darfour (ouest), au Kordofan-Sud et au Nil Bleu » (sud), théâtres de conflit entre rebelles et forces pro-gouvernementales.
Le conflit au Darfour, qui a éclaté en 2003, a fait notamment 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU.
Le parquet général a aussi confirmé que Béchir pourrait aussi rendre des comptes pour son rôle dans le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir en 1989. Certains des crimes cités par le parquet général « sont punis par la pendaison », précise le communiqué. Le parquet fait état d’autres affaires de corruption « pour des milliards de dollars », selon la même source.
Le Soudan occupe la 172e place sur 180 au classement mondial de l’organisation Transparency International.
Après le verdict, plusieurs centaines de partisans de l’ex-président ont manifesté leur mécontentement devant le tribunal et dans le centre-ville, avant de se disperser.
Béchir est en outre sous le coup de deux mandats d’arrêts, émis en 2009 et 2010 par la Cour pénale internationale (CPI), pour « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » et « génocide » au Darfour.
À ce jour, le gouvernement de transition n’a pas autorisé l’extradition de l’ex-dirigeant à La Haye où siège la CPI. Les Forces pour la liberté et le changement, qui ont mené la contestation contre M. Béchir, ont dit n’avoir aucune objection à cette extradition.
Afp