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Quelques questions soulevées par l’IPO de Saudi Aramco

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Après maints reports, la Saudi Aramco, la compagnie pétrolière saoudienne, a lancé ce qui sera la plus importante introduction en bourse de l’histoire. La société dont la valorisation a été annoncée à 2000 milliards $, mais qui actuellement est évaluée à 1700 milliards $, selon les experts, entend céder 5% de ses parts dont 2 à 3 % sur le Tadawul, la bourse saoudienne. Quoi qu’il en soit, derrière cette valse de chiffres qui donne le vertige, cette introduction en bourse du joyau saoudien est pour le moins douteuse par bien des aspects.

La destination des financements

Selon les autorités, cette levée de fonds a pour objectif de soutenir la Vision 2030 qui est d’assurer une prospérité post-pétrolière en investissant dans d’autres secteurs tels que le solaire ou le nucléaire.

D’où la question : pourquoi les investisseurs iraient-ils acquérir ces actifs dont le propriétaire cherche à se démettre ? Puisque l’avenir du Royaume semble être dans le solaire et dans le nucléaire, pourquoi ne lèverait-il pas directement des fonds pour soutenir ces secteurs prometteurs, faisant ainsi partager ses performances avec les investisseurs dans ce cadre ?

Vue sous cet angle, l’IPO lancée par la Saudi Aramco ressemble davantage à une opération de soldes. Un appel aux investisseurs pour réduire les invendus et partager une probable baisse de valeur des actifs. D’autant plus que la compagnie qui est la plus rentable du monde ne semble pas avoir besoin de capitaux directs et que ces fonds serviront d’ailleurs à financer d’autres projets dans des sous-secteurs différents.

Une opération à multiples facteurs de risque

Le premier risque lié à cette introduction en bourse, et non des moindres, est celui de la dévalorisation des actifs. Alors qu’émerge une conscience globale sur les risques liés au réchauffement climatique, la fin de l’ère du pétrole ne semble plus être qu’une question de temps. Et elle pourrait bien se révéler plus rapide que prévu, en raison de l’accélération des progrès technologiques qui offrent des alternatives de plus en plus crédibles aux énergies fossiles. 

L’amorce de la diversification de l’économie du Royaume sonne comme une preuve de la conscience de cette évolution irréversible des choses. D’ailleurs, en 2003, Zaki Yamani, ministre saoudien du Pétrole d’alors, avait affirmé : « Ce n’est pas parce qu’on était à court de pierres que l’Age de la pierre s’est achevé, et l’âge du pétrole devrait s’achever bien avant qu’on ne soit à court de pétrole ».

L’implication de cette réalité pour les investisseurs est la dévalorisation de leurs actifs sous l’effet de la baisse de la demande globale et des besoins croissants en investissements. Ces actifs dévalorisés, désignés sous le terme de ‘’Stranded assets’’ par le think tank Carbone Tracker, risquent d’ailleurs de faire perdre aux grandes compagnies pétrolières, jusqu’à 2200 milliards $, d’ici à 2030. Rappelons juste au passage que les 111 milliards $ de bénéfices revendiqués par Aramco en 2018 étaient supérieurs de 1/3 au bénéfice combiné des cinq premières entreprises pétrolières au monde. 

Un autre facteur pouvant remettre en cause la rentabilité de l’opération pour les investisseurs est le cours du pétrole. Malgré sa taille, la Saudi Aramco est sensible aux variations du cours du pétrole qui ont été importantes ces dernières années, passant de 112 $ en juin 2014 à 31,9 $ en janvier 2016 et à 57 $ actuellement. C’est d’ailleurs au cœur de la crise de 2016 que l’idée d’introduction de la compagnie en bourse a émergé pour la première fois. En outre, la compagnie fait les frais des risques géopolitiques de la région, avec, entre autres, l’attaque, en septembre dernier, d’installations majeures de la compagnie, qui a réduit sa production de 50 % pendant quelques temps. 

Méfiance et réticence de certains investisseurs

Ces écueils ont été remarqués par certains investisseurs qui ont déjà annoncé ne pas vouloir participer à cette introduction en bourse. C’est à ce titre que le Fonds souverain norvégien, le plus grand au monde, a affirmé qu’il n’achèterait pas des titres Aramco.

Une réticence partagée par plusieurs autres investisseurs internationaux qui évoquent, entre autres raisons, les reports successifs de l’opération, la difficulté de valorisation de la compagnie ou encore l’omniprésence du pouvoir politique dans la gestion de la compagnie.

Les investisseurs japonais font partie de cette dernière catégorie. « Il est peu probable que les sociétés japonaises investissent dans le premier appel public à l’épargne du géant pétrolier de l’Arabie saoudite, Saudi Aramco, puisqu’il est difficile de fixer la valeur de la plus grande société pétrolière du monde », a affirmé le président de la plus grande raffinerie japonaise.

Même au sein des épargnants locaux visés par cette première introduction en bourse, il serait abusif de dire que l’engouement est présent. Selon les médias, plusieurs des familles les plus riches du royaume auraient été vivement encouragées à prendre part à l’opération, accomplissant ce que certains défenseurs de l’IPO qualifient de « devoir patriotique ».

Ecofin

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