« L’endettement extérieur ne sera pas suffisant pour couvrir les déficits et il n’est pas la solution aux nécessaires ajustements qu’on doit prendre », a affirmé ce mercredi 16 octobre 2019 Rachid Sekak, ancien directeur de la dette à la Banque d’Algérie, lors de son passage à la radio chaîne 3.
Il a affirmé que « l’endettement extérieur ne pourra pas se substituer totalement à la planche à billets, parce que le niveau de nos déficits budgétaires et de la balance des paiements sont tellement élevés que l’endettement extérieur ne pourra pas être une solution », ajoutant que « la dette extérieure n’est plus un tabou politique ».
Le consultant en finances internationales a indiqué que « la solution réside dans la réduction de ces déficits, l’endettement extérieur n’est qu’un moyen d’atténuer dans le temps les coûts qui seront associés aux mesures à prendre pour revenir à des équilibres budgétaires et de la balance des paiements ».
M. Sekak a prévenu que « si aucune mesure n’est prise pour gérer nos déficits budgétaires, nos problèmes s’aggraveront », précisant que « les équilibres extérieurs, nous avons la chance de disposer encore d’un niveau suffisant de réserves de change qui nous permet sur le volet équilibres extérieurs de tenir trois ou quatre ans. Mais au niveau du budget, les mesures à prendre sont urgentes ».
Il a rappelé par ailleurs que depuis plusieurs années, il limite pour « convaincre les autorités de recourir à l’obtention d’un rating souverain pour l’Algérie », sans grand succès, d’autant plus que le rating est, selon lui, « très apprécié par les acteurs du marché financier international. Il est considéré comme une volonté de transparence et un engagement ferme sur les chemins à emprunter pour le rétablissement des équilibres macroéconomiques ».
M. Sekak a mis un point d’honneur à distinguer entre l’endettement extérieur et le recours au FMI. Selon l’ancien directeur de la Banque d’Algérie, le FMI n’intervient que dans les pays en cessation de paiement et l’Algérie n’est pas dans ce cas de figure. L’Algérie dispose encore de 70 milliards de réserves de change on n’est très loin de la cessation de paiement. Toutefois, il met en garde contre le recours à un endettement extérieur non maîtrisé. « Nous risquons d’aller vers la rémission de ce que nous avons vécu dans les années 1990 », a-t-il expliqué.
L’intervenant pense que l’Algérie est perçue aujourd’hui comme un pays solvable par le marché international sur une durée de trois ou quatre ans. Mais si le pays cherche à s’endetter sur des périodes plus longues, il faudra convaincre de la justesse de nos programmes d’ajustement structurel et de la justesse de nos trajectoires budgétaires et la balance des paiements pour un retour aux équilibres.
Réformes structurelles et dette extérieure
En l’absence de réformes structurelles nécessaires pour redresser l’économie du pays, l’Algérie risquerait de se trouver en cessation de paiement. L’expert recommande avant tout de régler « l’équation politique », en mettant en place les réformes structurelles de manière urgente, faute de quoi le pays risque d’être confronté à « de sérieux problèmes dans un horizon temporel de quatre à cinq ans », a-t-il souligné.
Interrogé pour savoir si le pays avait réellement le choix entre l’endettement extérieur et la planche à billets. M. Sekak a indiqué que « rien n’a été fait par les gouvernements », suite à l’effondrement des prix du baril observé sur les marchés à partir de mai 2014.
« Nous avons vidé les réserves budgétaires, notamment le Fonds de Régulation des recettes (FRR), a-t-il expliqué, ajoutant qu’à cette époque, on avait le choix entre le recours à l’endettement extérieur et le financement dit non conventionnel, mais « le tabou de l’endettement extérieur rendait inéluctable le recours à la planche à billets ».
Il a indiqué qu’« une bonne dette est toujours meilleure que la planche à billets, mais ce qu’il sera possible de mobiliser en matière de dette extérieure ne sera pas suffisant pour couvrir le gap si nous ne mettons pas en place un programme d’ajustement budgétaire et un programme d’ajustement de la balance des paiements ».
La dette extérieure ne peut pas être à elle seule la solution qui, selon lui, réside dans l’ajustement des dépenses et des recettes. « Nous sommes en déficit de ressources, nous vivons au-dessus de nos moyens. On n’achète pas la paix sociale et ce qui se passe depuis le 22 février en est bien la preuve. La paix sociale se construit par des réformes structurelles sérieuses qui produisent de la croissance et de l’emploi », a-t-il martelé.
Évoquant la convertibilité du dinar, l’expert a indiqué qu’ « elle est l’objectif suprême des réformes structurelles qui doivent être mises en œuvre. La convertibilité du dinar doit être un objectif économique sur un horizon de cinq à sept ans. L’éradication du marché parallèle de la devise ne viendra que de la convertibilité du dinar », ajoutant que « la dévaluation du dinar est un moyen d’accroître les recettes budgétaires et un moyen de rendre plus efficace nos entreprises à l’exportation ».