« Entre 2000 et 2018, l’Algérie a encaissé 850 milliards de dollars provenant de l’exportation des hydrocarbures », a affirmé l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Badreddine Nouioua, dans un entretien publié ce mardi 15 octobre 2019 dans les colonnes d’El Watan.
Il a indiqué qu’ « en dehors du remboursement anticipé de la dette extérieure qui a été effectuée d’ailleurs d’une manière contestable, le reste des devises a servi à constituer les réserves de change et à couvrir les dépenses d’importation de marchandises et de services effectuée de manière démesurée et les autres transferts ».
M. Nouioua a précisé que « ces opérations ont ouvert la voie aux surfacturations, aux fausses importations et à tous les trafics qui ont favorisé la fuite de capitaux énormes. Sur les 850 milliards de dollars, les prélèvements au titre de la fiscalité pétrolière ont atteint en moyenne 65% qui aont été convertis en dinars et versés au Trésor pour alimenter le budget. Les autres 35%, convertis également en dinars, ont été reçus par Sonatrach ».
Interrogé sur l’informel, l’ancien gouverneur de la banque centrale explique que « l’extension de l’économie informelle est due au laisser-aller, à la faiblesse de l’exercice de l’autorité de l’Etat et aux connivences entre le monde politique et les milieux pourris de l’argent. Elle est le centre des transactions qui sont conclues dans l’opacité et sont réglées par du numéraire pour ne pas laisser de traces ».
M. Nouioua a rappelé que « la circulation fiduciaire (billets de banque et pièces métalliques) en circulation qui était de 25,9% de la masse monétaire en 2011 s’est élevée à 29,5% en 2018. C’est dire que le recours aux paiements cash a encore augmenté. On sait que l’économie informelle tend à favoriser entre autres la fuite des capitaux vers l’étranger et plus particulièrement l’évasion fiscale ».
Endettement extérieur et véhicules d’occasion
Évoquant le souhait du gouvernement de recourir à la dette extérieure, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie a rappelé que « l’endettement extérieur était banni durant toutes ces dernières années et notamment au moment où le pays bénéficiait d’une aisance financière, laquelle aurait facilité l’obtention des crédits extérieurs ».
Il a indiqué que « la détérioration de la situation économique va être un sérieux obstacle qui va empêcher l’obtention de ces crédits. L’endettement extérieur ne doit pas être vu comme étant un expédient appelé à la rescousse pour faire face à une situation difficile ».
Pour M. Nouioua, l’endettement extérieur « doit être considéré comme étant un instrument de financement complémentaire à utiliser dans le cadre d’une stratégie globale de développement après avoir élaboré une réglementation qui détermine la nature des crédits à solliciter, leurs termes et conditions, leurs niveaux, leurs sources, etc ».
Il a par ailleurs qualifié l’importation des véhicules d’occasion, prévue dans le projet de loi de finances 2020, de « surprenante », expliquant que « le parc automobile, tel qu’il est actuellement, pose de nombreux et graves problèmes contre la pollution », citant les embouteillages les nombreux accidents et l’entretien de ce parc qui est en plus coûteux.
Quant à l’industrie de montage de véhicules dont l’objectif était d’arrêter les importations de véhicules neufs ou d’occasion, M. Nouioua estime que cette industrie « a été mal conçue, mal engagée », précisant que « l’importation de voitures de moins de trois ans, si elle est autorisée, va induire une flambée du coût des devises sur le marché parallèle ».
S’agissant du financement dit non conventionnel, communément appelé la planche à billets, M. Nouioua a indiqué que son maintien « est inévitable compte tenu du déficit prévu du budget ».