L’ancien ministre et diplomate, Abdelaziz Rahabi, est revenu, ce mercredi, dans un entretien accordé au journal El Khabar, sur la situation politique du pays.
A une question sur la vague d’arrestations de manifestants et de militants du Hirak populaire, Rahabi a indiqué qu’il s’attendais « à ce que les décideurs algériens ouvrent le champ médiatique et politique, pour plusieurs raisons, dont la plus importante est qu’il s’agit d’un droit constitutionnel, deuxièmement, qu’elles appartiennent à des forces politiques légales et, troisièmement, qu’une action politique inciterait l’Algérien à participer au scrutin présidentiel. »
« Malheureusement, a-t-il regretté, le climat politique actuel se caractérise par l’arrestation de militants politiques sans que la justice en mentionne les raisons, et ce, dans des circonstances inacceptables », telles que celles opérées dans « la rue ou chez eux » au lieu d’être convoqués à un organe constitué.
« Ce qui se passe, est que la manière avec laquelle sont opérées les arrestations, nous fait sentir que nous sommes en état d’urgence ,et c’est une pratique qui n’augure d’aucun projet démocratique sérieux fondé sur les libertés et la justice pour lesquelles des millions d’Algériens sont sortis dans un Hirak sans précédent dans le monde. »
Pour Rahabi « les personnes qui pratiquent la politique doivent rester dans les limites des droits et des devoirs énoncés dans les lois. Après tout, il est de mon devoir de noter que, si les autorités ont accompagné ce mouvement, qui s’avérait plus puissant que nos dirigeants, l’Algérie serait sortie de la crise avec un projet démocratique fort et unique. »
Le pouvoir s’oppose à un changement réel à tous les niveaux
Sur le refus du pouvoir de répondre aux mesures d’apaisement, l’ancien ministre a estimé qu' »il est inconcevable que le pouvoir appelle à des élections présidentielles et attend une large participation des citoyens, tout en limitant les mécanismes politiques qui créeront le désir des électeurs de voter. »
« Il semble que le pouvoir s’oppose à un changement réel à tous les niveaux. C’est pourquoi j’estime que les restes du régime de Bouteflika sont toujours en place dans les institutions gouvernementales, malgré les progrès accomplis dans le domaine de la lutte contre la corruption, qui a abouti à l’arrestation de certains de ses symboles », a-t-il affirmé.
Et d’ajouter : « Je pense que le maintien du gouvernement nommé par les frères Bouteflika (Abdelaziz et Said, ndlr) est une provocation envers les Algériens qui ont réclamé et réclament toujours leur départ. De plus, cette position ne peut être interprétée que comme un mépris de l’opposition qui a cédé à la demande du chef de l’Etat sans recevoir de réponse à sa demande de départ du gouvernement. Par conséquent, l’opinion publique algérienne a le droit de nous avertir de notre concession dans un sens de responsabilité afin d’éviter une aggravation du vide constitutionnel existant. »
Jugement de Bouteflika …
A une autre question au sujet des voix qui appellent à juger l’ex-président de la République Abdelaziz Bouteflika, Rahabi a répondu qu’il a été le premier à réclamer cela pour « la simple raison de déterminer la responsabilité politique en matière de corruption. »
« Sans les politiciens et l’immunité qui leur ont été accordées, il n’y aurait pas eu de corruption dans notre pays. Les responsables politiques emprisonnés à El Harrach ont déclaré au juge qu’ils suivaient les instructions du président (Bouteflika, ndlr) ou de son frère (Said Bouteflika en détention, ndlr) d’accorder des privilèges illégaux à des hommes d’affaires également impliqués dans des affaires de corruption », a-t-il indiqué.
« Il a été démontré que toutes les instructions reçues depuis 2013 provenaient du frère du président, ce qui n’exempte pas ces responsables politiques de toute responsabilité légale, en particulier s’il est prouvé qu’ils se sont enrichis. Par conséquent, la responsabilité du président et de son frère dans tous les cas de corruption découverts reste entière », a-t-il dit.
« La santé du président lui permet-elle d’être traduite en justice? », Rahabi a répondu que « le procès des chefs d’État a une très grande signification politique et morale et un message au prochain président. Officiellement, il est inconcevable que Bouteflika se présente pour un cinquième mandat et reçoive l’appui de partis, d’associations et de personnalités, alors qu’il est frappé d’une incapacité et qu’il est malade lors qu’il s’agit de le traduire en justice pour répondre aux questions des Algériens sur ce qu’ils ont subi et subissent depuis 20 ans. »
Sur la convocation du corps électoral pour la tenue de l’élection présidentielle le 12 décembre prochain, Rahabi a estimé que, si pour la grande majorité de l’opposition cette décision était attendue et qui réclamait des mesures d’apaisement sur les plans politique et médiatique, soumis à une forte pression et sans précédent, ainsi que des restrictions à l’activité politique, associative et des individus. « La décision était une surprise, car nous aurions souhaité qu’elle soit prise à la suite d’un accord politique tenant compte de l’opinion des citoyens sur l’élection présidentielle et de la disposition des partis et personnalités désireux à participer et se concurrencer sur le poste de président de la République. »