Ce qu’il convient d’appeler la révolution du 22 février, poursuit sa marche vers l’instauration d’une nouvelle république fondée sur un État de droit. Sa capacité de mobilisation demeure intacte et ses slogans inspirés de la constitution ( articles 7 et 8 )réitèrent la volonté du peuple algérien de prendre directement en main son destin politique.
A Belouizdad ( ex Belcourt) ou nous nous trouvions, la manifestation démarre vers 14 heure par un temps très nuageux mais une température agréable. La déferlante humaine s’en va rejoindre les avenues et places centrales de capitale,déjà noires de monde, nous apprend un collègue par téléphone. Les slogans sont franchement dirigés contre Le chef d’état major militaire, Ahmed Gaid Salah, et son forcing électoral, bruyamment rejetés par les manifestants.
L’arrestation de Karim Tabbou que viennent de condamner le parlement européen et la ligue internationale des droits de l’Homme a, à l’évidence, incité de nombreux algériens à rejoindre le Hirak qui en est, pour rappel, à sa trentième sortie à travers tout le territoire national. Par sa maladresse désormais légendaire, Ahmed Gaid Salah vient de donner au Hirak, le leader consensuel qui lui manquait.
Vers 14h30, à la place du 1er mai (Champs de manœuvre), on observe un impressionnant déploiement de policiers sans casques ni boucliers qui observaient calmement l’arrivée de centaines manifestants, brusquement surgis des axes routiers environnants. Une grande manifestation prenait ainsi déjà forme.
A l’entrée Bd Amirouche l’immense foule ne peut plus avancer. Des dizaines de milliers de manifestants crient en choeur « le peuple exige la chute de Gaid Salah », « kabyles arabes khawa- khawas », « Gaid Salah tu n’arrivera jamais à séparer des frères », « libérez les otages et mettez à leur place les enfants de Gaid », « Allah ouakbar Karim Tabbou », « Gaid nous ne voulons pas de ton élection » etc.
L’impossibilité d’avancer vers l’hyper centre d’Alger a contraint de nombreux manifestants à rebrousser chemin. Le parcours,réduit par divers obstacles dressés par la police, s’avère en effet trop exiguë.Ceux qui parviendront à atteindre la Grande Poste et la place Audin constateront à quel point les forces de l’ordre ont réduit les espaces de manifestation et dressé des obstacles multiformes pour les décourager. Les experts en contre révolution ont, comme on a pu nous en apercevoir, redoublé d’imagination diaboliques. En effet, leurs dernières trouvailles ont consisté à faire voler bas l’hélicoptère de surveillance à l’effet de créer un bruit assourdissant qui empêche d’entendre les slogans des manifestants.
Par ailleurs pour limiter l’espace de manifestation la police a aligné plus 100 fourgons des côtés des deux trottoirs de la rue Didouche Mourad, de la place Audin et de la Grande Poste. Il en fut de même pour les Boulevard Hassiba Ben Bouali et Amirouche. Tous les tunnels de l’hyper centre d’Alger étaient également obstrués.
Notons enfin que les véhicules personnels ont été autorisés à circuler parmi les manifestants, l’intention évidente de la police étant de perturber la marche des manifestants. Difficile pour des dizaines de milliers de manifestants de se mouvoir dans pareilles conditions!
Il faut sans doute ajouter à ce sombre tableau concocté par les forces de l’ordre, la saleté, les mauvaises odeurs, les poubelles éventrées et les égouts qui débordent à Alger centre, du fait des gros orages tombés sur la capitale dans la soirée. Rien n’est entrepris par les autorités concernées par l’hygiène de la capitale, pour remettre les choses en ordre. Alger semble ainsi être délibérément abandonnée à son triste sort par ceux qui sont payés pour veiller à son entretien.
Par son ampleur, la pertinence de ses slogans et son pacifisme,cette 30é sortie du Hirak est un nouveau succès à inscrire à l’actif de la persévérante révolution du 22 février.