La Chine a annoncé, lundi 2 septembre, qu’elle avait déposé une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en réaction à l’entrée en vigueur aux Etats-Unis, dimanche, de nouveaux droits de douane sur des produits chinois représentant des milliards de dollars d’importations annuelles.
« Ces taxes américaines enfreignent gravement le consensus auquel étaient parvenus les chefs d’Etat de nos deux pays à Osaka » au Japon, fin juin, pendant le sommet du G20, marqué par l’annonce d’une trêve dans la guerre commerciale bilatérale, a réagi le ministère chinois du commerce dans un communiqué. « La Chine est très mécontente et résolument opposée à cela. Conformément aux règles de l’OMC, elle protégera fermement ses droits et intérêts légitimes », a encore souligné le ministère, précisant que la plainte avait été déposée devant l’ORD, l’organe de règlement des différends de l’OMC.
La Chine et les Etats-Unis sont engagés depuis plus d’un an dans un bras de fer commercial qui s’est traduit par l’imposition réciproque de droits de douane punitifs sur plus de 360 milliards de dollars d’échanges annuels. Au sommet du G20 d’Osaka, fin juin, les présidents américain et chinois étaient convenus de relancer les négociations commerciales.
Mais la trêve a fait long feu. Le 1er août, le président américain, Donald Trump, a annoncé des droits de douane supplémentaires de 10 % sur les 300 milliards de dollars d’importations chinoises jusque-là épargnées, à compter du 1er septembre. Le 23 août, Pékin annonçait des représailles tarifaires portant sur 75 milliards de dollars de produits américains et sur les voitures. En réaction, l’administration américaine décide de porter à 15 % les droits de douane supplémentaires annoncés le 1er août.
Ces droits de douane additionnels portent sur une partie des 300 milliards de dollars de biens importés du géant asiatique qui avaient été jusqu’alors épargnés par les précédentes mesures américaines. Les marchandises visées touchent un très large éventail de produits, notamment du secteur alimentaire (ketchup, viandes de bœuf découpées, saucisses de porc, fruits, légumes, lait, fromages, etc.). Certains articles de sport comme les clubs de golf ou les vélos, des instruments de musique, des meubles, de la vaisselle ou encore les chaises hautes pour enfants seront également surtaxés, selon la liste officielle.
Des économistes du Peterson Institute for International Economics, un centre de réflexion basé à Washington, ont chiffré à 112 milliards de dollars la valeur des biens qui seront soumis à ces nouveaux droits de douane. Ils s’ajoutent aux plus de 250 milliards de dollars de biens chinois qui étaient déjà surtaxés. Et, d’ici à la fin de l’année, la totalité des importations en provenance de Chine (quelque 540 milliards sur la base de celles de 2018) sera surtaxée avec une dernière salve prévue le 15 décembre.
Le président américain Donald Trump, en campagne pour un second mandat, est resté sourd aux nombreuses mises en garde sur les potentielles répercussions négatives sur l’économie et les marchés. Pour autant, il a semblé ménager les esprits en évoquant des entretiens entre Washington et Pékin. « Nous avons des conversations avec la Chine. Des réunions sont programmées. Des appels sont en cours », a-t-il déclaré. « Je suppose que la réunion de septembre continue d’être d’actualité. Cela n’a pas été annulé. Nous allons voir ce qui se passe », a-t-il ajouté. Pour l’heure, la partie chinoise n’a pas confirmé la tenue de tels entretiens ou réunions.
Depuis mars 2018, Donald Trump s’est lancé dans une guerre douanière impitoyable pour imposer un traité mettant fin à des pratiques commerciales jugées déloyales telles que le transfert forcé de technologies américaines et la subvention massive des entreprises d’Etat chinoises. Cette stratégie s’est pour le moment révélée inefficace bien qu’elle pèse sur l’économie chinoise. Refusant de négocier sous la menace, Pékin se montre inflexible.
Une nouvelle escalade des tarifs douaniers risque d’entamer considérablement la croissance économique chinoise, a pourtant prévenu le Fonds monétaire international (FMI). Et, au-delà de la Chine, l’économie de la planète, largement soutenue par les échanges commerciaux, va se détériorer, a maintes fois alerté cette institution.
L’incertitude quant à l’issue de ce conflit pèse désormais sur les investissements des entreprises et le moral des ménages américains. Une enquête de l’université du Michigan sur la confiance des consommateurs montre que celle-ci a enregistré en août sa plus forte dégradation depuis décembre 2012. « Les données indiquent que l’érosion de la confiance des consommateurs due aux politiques tarifaires est maintenant bien engagée », a expliqué Richard Curtin, l’économiste dirigeant cette enquête bimensuelle.
Signe que l’administration Trump pourrait avoir quelques craintes sur l’impact de cette nouvelle escalade : certains produits phare des achats de Noël ne seront pas taxés avant le 15 décembre. C’est le cas des téléphones et ordinateurs portables, des consoles de jeux vidéo, de certains jouets, des écrans d’ordinateur ou encore de certaines chaussures et vêtements de sport. Aux Etats-Unis, la consommation génère 75 % de la croissance économique.
Afp