La menace que constitue le blé russe pour les fournisseurs français du marché algérien, est prise au très au sérieux. Les français ont mis en place ce mois-ci une alliance de coopératives céréalières.
Un groupe de fournisseurs de céréales français ont procéder au « lancement ce mois-ci de Grains Overseas, une alliance sans précédent dans laquelle InVivo, Axereal et NatUp vont combiner les exportations de blé tendre et d’orge fourragère en dehors de l’Union européenne » précise l’agence Reuters. Grains Overseas, qui impliquera la fusion des pupitres de négociation et des achats en commun, vise à maintenir de gros volumes de céréales françaises en Afrique du Nord tout en évitant les pertes financières qui ont nui aux pupitres de négociation ces dernières années.
Toutefois, cette stratégie risque de ne pas être suffisante pour faire face à la grande menace qui pèse sur les français concernant leur marché vital d’Algérie.
En effet, la montée en puissance de la Russie pour devenir le premier exportateur mondial de blé a réduit les ventes de la France dans des pays importateurs tels que l’Égypte et le Maroc, rendant ainsi la France plus tributaire de l’Algérie, dont les exigences en matière d’appel d’offres excluent effectivement le blé russe.
«Cela pourrait être un bouleversement pour le secteur français, alors il réalise qu’il n’est pas seul sur les marchés d’exportation », a déclaré un producteur du blé français cité par Reuters. « Le fait que vous ayez trois grosses coopératives impliquées pourrait forcer le marché français à se faire concurrence sur les prix internationaux.»
Mais, la menace s’est renforcée suite à la situation politique que traverse l’Algérie. En effet, les contraintes budgétaires et la liquidation des fonctionnaires dans une crise politique en cours pourraient encourager l’Algérie à changer de cap et à accepter des fournitures russes moins chères, affirment certains fournisseurs des céréales.
L’incertitude sur la stratégie future de l’Algérie en matière d’importation a été aggravée par la suspension du directeur de l’Office interprofessionnel des céréales OAIC, dans une enquête pour corruption.
« Le jour où l’Algérie se tourne vers la Russie, les Français sont condamnés », a déclaré un analyste du secteur céréalier.
« Tant qu’elles ne pourront concurrencer la mer Noire en termes de qualité et de prix, les coopératives françaises pourront consolider tout ce qu’elles veulent, cela ne changera rien » ajoute la même source.
La France comprend également le fait que les approvisionnements de la mer Noire ont souvent un avantage en termes de qualité et de prix. L’entreprise familiale Soufflet, autre grand exportateur français de céréales, a inauguré l’année dernière une nouvelle installation portuaire sur la côte atlantique, visant notamment à trier le grain de manière plus efficace pour répondre aux besoins des clients des usines de transformation en Afrique.
InVivo reconnaît les risques en Algérie.
« Puisque nous sommes dans une position fragile aujourd’hui, si nous gagnions deux ou trois années supplémentaires (sans concurrence sur la mer Noire), cela aiderait », a déclaré Thierry Blandinieres, directeur général d’InVivo. Mais d’autres avertissent que la France commence à peine à prendre conscience de la montée de la région de la mer Noire.
La Russie prévoit d’investir des dizaines de milliards de dollars d’ici 2035 dans le secteur des céréales et cherche activement à accéder à des pays essentiels pour les exportations de l’UE, comme l’Algérie et l’Arabie saoudite.