Selon de nouvelles estimations reposant sur des données recueillies par satellite, le brûlage à la torche des gaz sur les sites de production pétrolière dans le monde a augmenté de 3 % en 2018, à 145 milliards de mètres cubes, l’équivalent de la consommation annuelle totale de gaz en Amérique centrale et du Sud.
Un certain nombre de contraintes techniques, réglementaires ou économiques sont à l’origine du torchage. Cette pratique, qui consiste à brûler les rejets de gaz à différentes étapes de l’extraction de pétrole, est responsable du rejet dans l’atmosphère de plus de 350 millions de tonnes d’émissions en équivalent CO2 chaque année. Or, ces rejets, qui contiennent du méthane brûlé en partie uniquement et du charbon noir, sont particulièrement nocifs. Ils constituent aussi un gaspillage de précieuses ressources énergétiques.
Cette évolution s’explique par une augmentation de la production de pétrole aux États-Unis, où le brûlage des gaz s’est envolé d’environ 48 % entre 2017 et 2018, à la faveur d’un bond de 33 % de la production d’or noir. Les données recueillies par satellite montrent que cette hausse est à imputer quasi exclusivement aux gisements de schistes bitumineux de Bakken, dans le Dakota du Nord, et aux sites de Permien et Eagle Ford au Texas. La production d’huiles bitumineuses y a connu un développement rapide en 2018, avec une progression d’environ 29 % à Bakken, 40 % dans le bassin Permien et 15 % à Eagle Ford. Mais l’intensité du brûlage des gaz aux États-Unis (le volume de gaz brûlé par baril de pétrole produit) est restée modérée en 2018, à 0,3 mètre cube, en recul par rapport à 2012 (2,9 mètres cubes).
Les pays en proie à un conflit connaissent une recrudescence de cette pratique : au Venezuela (et c’est le signe d’une crise en cours comme précédemment en Syrie et au Yémen) le torchage a grimpé en flèche alors que la production de pétrole s’est effondrée. « Nous ne pouvons certes pas contrôler tous les facteurs qui contribuent au brûlage du gaz, mais nous pouvons et devons agir sur les cadres réglementaires, les infrastructures et les retards technologiques afin d’exploiter et de conserver les gaz associés », explique Riccardo Puliti, directeur principal du pôle Énergie et industries extractives de la Banque mondiale.
En Angola, la pratique du brûlage des gaz a reculé de 27 %. Au lieu d’être torchés, les gaz ont été exportés via l’usine de gaz naturel liquéfié du pays — une mesure positive qui s’inscrit dans la stratégie des autorités angolaises de limiter cette pratique. En Syrie, le torchage du gaz a reculé de 42 %, suggérant le retour à une normalisation de la production sur les champs de pétrole après un conflit prolongé.
Ces données sont publiées par le Partenariat mondial pour la réduction des gaz torchés (GGFR) (a), un organisme administré par la Banque mondiale et rassemblant des États, des compagnies pétrolières et des institutions internationales dans l’objectif de faire reculer le torchage du gaz. La NOAA, l’agence américaine en charge de l’étude de l’océan et de l’atmosphère, et le GGFR sont à l’origine des estimations établies en coopération avec l’université du Colorado sur la base d’observations recueillies par des capteurs de dernière génération équipant un satellite lancé en 2012.
En 2015, le secrétaire général des Nations Unies, le président de la Banque mondiale et 25 pionniers ont lancé l’initiative « Zero Routine Flaring by 2030 » (a) dans le but de bannir cette pratique lors de l’exploitation de nouveaux champs pétroliers et de trouver rapidement, et au plus tard en 2030, des solutions pour les sites déjà exploités. Cette initiative rassemble désormais plus de 80 pays, compagnies pétrolières et institutions de développement. « Les acteurs qui ont rejoint l’initiative Zero Routine Flaring représentent largement plus de la moitié du volume des gaz brûlés dans le monde. Leur engagement à bannir le torchage de routine dans les nouveaux champs pétrolifères est encourageant et indispensable pour mettre fin à 160 ans d’habitudes industrielles, déclare Zubin Bamji, responsable du GGFR. L’initiative permet également d’engager des actions pour s’attaquer à cet “héritage”. Les progrès sont là : en 20 ans, la pratique n’a cessé de reculer alors que la production de pétrole a fortement augmenté. Mais nous devons passer à la vitesse supérieure pour proposer des alternatives innovantes au brûlage du gaz. »
Source WBANK