L’escalade des tensions au Moyen-Orient entre les Etats-Unis et l’Iran a déclenché mercredi des mesures de précautions spectaculaires, mais de nombreuses zones d’ombres persistent sur les contours et la réalité des menaces.
Après dix jours d’accusations mutuelles, d’intense activité diplomatique de Washington et de déploiements militaires américains dans le Golfe, ce sont les premières décisions concrètes en réponse à cette situation à hauts risques: les Etats-Unis ont rappelé mercredi leur personnel non-essentiel en Irak.
Accusée d’alimenter elle-même l’escalade par ses annonces tonitruantes, l’administration de Donald Trump a invoqué une « menace imminente » et « réelle » en « lien direct avec l’Iran » pour justifier ce retrait et ses actes des derniers jours.
Les Européens semblent davantage vouloir se démarquer de la stratégie de la tension entretenue par les Américains, et éviter d’être pris dans un engrenage qui pourrait dégénérer en confrontation armée. L’Espagne, qui a retiré une frégate engagée aux côtés d’un porte-avions américains déployé au Moyen-Orient, a ainsi évoqué l’irruption d’une « possibilité d’affrontement ou d’action belliqueuse ». « Informations qui indiquent une escalade des activités de l’Iran », « menaces crédibles » concernant « les forces pro-iraniennes dans la région », et même projets d' »attaques imminentes » contre les « intérêts américains »… Les responsables américains ont multiplié depuis le 5 mai les accusations aussi graves que floues à l’égard des autorités de Téhéran; mais sans préciser clairement la nature de ces menaces. « L’administration Trump n’a fourni aucune information » à la commission des Affaires étrangères du Sénat « sur les renseignements qui motivent ses décisions, ni sur ce qu’elle entend faire », a déploré mercredi le sénateur démocrate Bob Menendez.
Le département d’Etat est donc monté au créneau pour défendre la crédibilité de ces informations. Cette menace « est réelle », a martelé un responsable de la diplomatie américaine. Il a évoqué notamment la responsabilité de « milices irakiennes sous commandement et contrôle des Gardiens de la Révolution iraniens », l’armée idéologique de la République islamique d’Iran, citant nommément les groupes chiites Asaïb Ahl al-Haq et les brigades du Hezbollah irakien. Et à ceux qui comparent la situation à celle de 2003, lorsque l’administration de George W. Bush avait invoqué, à tort, la présence d’armes de destruction massive pour justifier l’invasion de l’Irak, ce responsable a plutôt renvoyé aux attaques de 2011 contre des « installations américaines » dans ce pays.
Selon plusieurs responsables militaires américains, le renseignement a constaté des mouvements d’armes et de groupes pro-iraniens à terre et en mer et des instructions pour attaquer des intérêts américains comme des ambassades, des consulats ou des soldats.
Donald Trump a fait de l’Iran son ennemi numéro un, et a claqué la porte il y a un an de l’accord de 2015 censé empêché Téhéran de fabriquer la bombe atomique, jugé trop laxiste. Depuis, il n’a eu de cesse de renforcer ses sanctions pour faire plier le régime iranien.
Plusieurs observateurs mais aussi des responsables qui ont requis l’anonymat estiment que le risque actuel est lié à d’éventuelles représailles à l’inscription, en avril, des Gardiens de la Révolution sur la liste noire américaine des « organisations terroristes étrangères ». « La réponse de l’Iran a été de faire de nouvelles menaces terroristes, ce qui semble justifier notre décision », a estimé la semaine dernière l’émissaire américain Brian Hook. « Bien entendu que l’Iran n’est pas content », car « nous appliquons une pression historique », a renchéri mercredi un responsable du département d’Etat.
Simple coïncidence? Alors que ces tensions montaient, l’Arabie et les Emirats arabes unis ont dénoncé des « actes de sabotage » contre quatre navires pétroliers dans le Golfe, renforçant le sentiment d’une situation très précaire qui risque de s’embraser à la moindre étincelle. Mais les Etats-Unis, qui apportent leur soutien à l’enquête, se sont gardés à ce stade de dénoncer publiquement une implication de l’Iran dans ces incidents précis.
Les alliés européens des Etats-Unis ont mis en garde contre la possibilité que, dans ce contexte explosif, un simple incident ou un malentendu ne provoque un conflit.
Le flou entourant les menaces présumées mais aussi la stratégie américaine face à l’Iran a en outre suscité le scepticisme d’une partie des observateurs et des élus démocrates, qui soupçonnent le gouvernement républicain, ou ses éléments les plus va-t-en-guerre comme le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, de vouloir provoquer une confrontation militaire avec l’Iran. « Le Congrès n’a pas autorisé la guerre avec l’Iran », a prévenu mercredi le sénateur Menendez.
Afp