Mohammad Abkar pensait qu’il serait rentré chez lui pour le ramadan, mais ce père de famille yéménite passera le mois de jeûne musulman dans un camp de déplacés.
Le ramadan commence ce lundi dans un Yémen toujours en guerre et théâtre de la pire crise humanitaire en cours dans le monde avec des millions de personnes au bord de la famine, selon l’ONU. Mohammad Abkar et sa famille, originaires du village d’Al-Munther, près de la ville portuaire de Hodeida (ouest), sur la mer Rouge, ont été chassés de leur foyer en juin 2018 quand les forces progouvernementales, soutenues par l’Arabie saoudite et les Emirates arabes unis, ont lancé une offensive contre les rebelles Houthis. Des centaines de familles de Hodeida et de ses environs ont dû fuir.
Sous l’impulsion de l’ONU, les belligérants se sont mis d’accord sur une trêve à Hodeida lors de pourparlers en décembre en Suède, donnant aux habitants une lueur d’espoir mais qui s’est estompée au fil des mois. La plupart des familles n’ont pu rentrer chez elles par crainte d’être prises entre deux feux. Mohammad Abkar ne fait pas exception. Il est parti de chez lui avec rien d’autre que ses habits et les béquilles dont il a désespérément besoin pour marcher. « Nous sommes ici depuis environ un an. Une année entière et nous sommes toujours déplacés », dit M. Abkar à l’AFP dans un camp de Khokha, contrôlé par le gouvernement, à environ 130 kilomètres au sud de Hodeida.
Abkar et son épouse ont trois garçons qui sont handicapés. La famille vit dans des conditions extrêmement difficiles dans une tente de fortune installée sur un terrain sablonneux.
Jeûner de l’aube au coucher du soleil pendant le ramadan sera éprouvant, en particulier quand les températures grimperont. « Nous avions l’habitude d’obtenir de la nourriture pendant le ramadan, comme de la soupe et du yaourt mais, cette année, nous sommes déplacés », se lamente M. Abkar. « Je suis handicapé et mes enfants sont handicapés. Nous ne pouvons pas travailler ».
Les rebelles Houthis, appuyés par l’Iran, combattent les forces progouvernementales depuis 2014, mais la guerre s’est intensifiée en 2015 quand une coalition menée par Ryad est intervenue militairement. Le conflit au Yémen a tué des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux civils, selon diverses organisations humanitaires. Selon l’ONU, environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux-tiers de la population, ont besoin d’assistance dans ce pays, le plus pauvre de la péninsule arabique. L’accord de trêve conclu en Suède stipulait également que les belligérants devaient redéployer leurs combattants en dehors des ports et à l’écart des zones essentielles à l’aide humanitaire. Ces retraits n’ont toujours pas eu lieu.
Les combats à Hodeida ont largement cessé depuis décembre, mais des affrontements éclatent de manière intermittente.
Un responsable militaire progouvernemental a déclaré samedi à l’AFP que les rebelles avaient creusé des dizaines de tunnels sous les ports et l’aéroport de Hodeida, non loin de la maison de M. Abkar à Al-Munther.
Pour Hoda Ibrahim, 39 ans, habitante de Hodeida, il est impératif que les belligérants respectent la trêve pendant le ramadan. C’est son seul espoir, dit-elle. « Nous sommes constamment à la recherche d’essence et nous n’avons pas de temps pour la spiritualité », affirme cette mère de quatre enfants à l’AFP. « Le ramadan cette année est plein d’obus de mortier et nous espérons que la situation n’empirera pas ».
A environ 230 kilomètres à l’est de Hodeida, dans la capitale Sanaa contrôlée par les Houthis, les habitants ont également du mal à subvenir aux besoins de leurs familles pendant le mois de jeûne qui voit chaque année les prix augmenter. Beaucoup ont perdu leur emploi et de nombreux fonctionnaires n’ont pas été payés depuis août 2016 lorsque la Banque centrale a été déplacée de Sanaa à Aden, ville du sud déclarée siège provisoire du gouvernement.
Afp