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Gilbert Achcar, Professeur à SOAS University of London : «Bouteflika et El Béchir ne sont que le sommet de l’iceberg»

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Le professeur de relations internationales et politiques à la School of Oriental and African Studies à Londres, Gilbert Achcar a estimé dans un entretien accordé au journal français Libération, que les deux présidents déchus Abdelaziz Bouteflika en Algérie et Omar El Béchir au Soudan, ne sont que «le sommet de l’iceberg» et que «la grande masse reste en dessous de la surface».

Pour le professeur Achcar, le régime algérien est à classer dans la catégorie des régimes néo-patrimoniaux comme celui de l’Egypte dont les institutions disposent une relative autonomie par rapport aux dirigeants. Dans cette catégorie «l’armée y est l’institution principale et elle exerce un contrôle direct sur le pouvoir politique qui en émane. C’est elle qui fait et défait les présidents», a-t-il expliqué.

Tandis que, le régime soudanais incarné par El Béchir depuis trois décennies est classé par le professeur Achcar dans la catégorie intermédiaire. C’est-à-dire, la prise du pouvoir par un coup d’Etat militaire, et en essayant de «remodeler l’armée pour pouvoir la contrôler directement, comme l’avait fait Hafez al-Assad en Syrie ou Muammar al-Kadhafi en Libye, sans finalement pouvoir le faire totalement. L’armée a pu le renverser», a-t-il précisé.

Le professeur redoute des transitions difficiles en Algérie et au Soudan, et ce, au vu des expériences passées, en Libye ou en Egypte notamment. «Oui, sans aucun doute. Quand le peuple veut renverser un régime, c’est en réalité toute la façon de fonctionner de l’Etat qu’il veut changer, pas uniquement son Président. Bouteflika et El-Béchir ne sont que le sommet de l’iceberg si l’on peut dire, la grande masse reste en dessous de la surface», a-t-il analysé.

Selon lui, les régimes des deux pays «ont comme modèles l’Egypte d’Abdel Fatah al-Sissi et veulent présenter l’armée comme le sauveur de la nation et asseoir encore un peu plus son pouvoir». Il a estimé que cela peut «éventuellement fonctionner au Soudan mais ce sera plus compliqué en Algérie, où la population n’a pas d’illusion sur le fait que ce sont les militaires qui contrôlent le pouvoir.»

«Il ne faut pas non plus oublier que ce qui a explosé en 2011, c’est un processus révolutionnaire historique et long, qui durera des décennies. Il se heurte à un blocage culturel, social et économique, qui produit les taux de chômage les plus élevés du monde, surtout chez les jeunes», a-t-il expliqué.

Pour le contourner, a-t-il ajouté, «il faudrait des changements radicaux des politiques économiques qu’on ne voit nulle part, y compris en Tunisie, où la politique économique est dans la continuité de l’ancien régime. Et on continue avec les recettes du Fonds monétaire international, ses politiques d’austérité et de retrait de l’investissement économique qui sont absurdes. L’idée que l’investissement privé va devenir moteur est illusoire. Dans cette partie du monde où l’arbitraire, l’instabilité et le népotisme règnent, les fonds privés vont dans l’argent facile et la spéculation foncière.»

Le professeur Gilbert Achcar a estimé que le non-encadrement des mouvements populaires en Algérie et au Soudan constitue une autre difficulté pour concrétiser ce changement radical voulu par les deux peuples. «L’autre difficulté est que, pour faire advenir ce changement radical, il faut des forces politiques qui le représentent et qui portent les aspirations démocratiques et progressistes de la population, et surtout de sa jeunesse. Le problème est qu’on ne les voit pas, elles manquent cruellement dans toute la région», a-t-il expliqué.

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