La justice marocaine a confirmé vendredi à Casablanca les peines de prison allant jusqu’à 20 ans pour les meneurs du Hirak, mouvement de protestation qui a agité en 2016-2017 la région marocaine du Rif (nord).
Les proches des 42 prévenus ont accueilli par des cris de colère et des larmes le jugement de la Cour d’appel de Casablanca, prononcé après cinq heures de délibéré, au terme d’un procès ouvert en novembre. « Vive le peuple », « Etat corrompu », « vive le Rif », a crié la foule à la sortie de la salle d’audience.
Jugé pour « complot visant à porter atteinte à la sécurité de l’Etat », Nasser Zefzafi, le leader du Hirak (mouvance, nom donné localement au mouvement portant des revendications sociales et économiques), devra donc purger une peine de 20 ans de prison ferme, comme trois autres militants du noyau dur de la contestation.
Le journaliste Hamid el-Mahdaoui qui avait souhaité vendredi dans son ultime plaidoyer ne pas être puni pour un « crime imaginaire » a vu confirmée sa condamnation à trois ans de prison pour ne pas avoir alerté la police des appels d’un inconnu lui proposant des armes. « C’est une injustice », a lancé à la presse son épouse en pleurs, en décrivant comme un « journaliste libre » celui qui dirigeait un site internet fermé depuis. « Il n’y a aucun espoir (…) ce procès a été une injustice depuis ses débuts et c’est ainsi qu’il s’est conclu », a déploré Souad Brahma, une avocate de la défense. « On ne peut pas commenter une décision de justice et personne n’a le droit de le faire », a pour sa part souligné Mohamed Kerrout, un avocat qui représente l’Etat.
Nasser Zefzafi, 39 ans, s’était imposé comme le visage de la contestation avec ses discours virulents contre l’Etat « corrompu » ou « l’arbitraire » du pouvoir. Il a boycotté son procès en appel, comme 37 autres prévenus en détention, après avoir dénoncé en première instance un procès « politique ». L’accusation avait requis d’alourdir en appel toutes les peines qui ne correspondaient pas au maximum prévu par le code pénal. Comme en première instance, les avocats de la défense ont refusé de plaider en réclamant un procès « équitable ».
Pendant les délibérations, plusieurs dizaines de personnes – des familles, des militants du Hirak ou des droits humains – ont manifesté devant le tribunal sous une fine pluie pour demander la libération des « détenus politiques ». « C’est la politique de la peur qui est opérée depuis pas mal de temps déjà, pour dire à tous ceux qui ont des revendications qu’il vaut mieux qu’ils se taisent », a regretté après le jugement Nabila Mounib, femme politique et figure de la gauche marocaine. Les 42 militants du Hirak, un mouvement accusé de visées séparatistes par le pouvoir, avaient été condamnés en première instance à Casablanca en juin dernier, au terme d’un procès-fleuve impliquant au total 53 accusés.
Les peines prononcées avaient à l’époque suscité des réactions d’incompréhension et d’indignation dans le royaume, des manifestations appelant à leur amnistie ou à leur libération, mais aussi des critiques de plusieurs organisations de défense des droits humains, comme Amnesty International ou Human Rights Watch. Onze des condamnés de Casablanca avaient été graciés en août par le roi du Maroc Mohammed VI.
Cette semaine, un groupe de 24 eurodéputés (verts et gauche unitaire) ont appelé à la libération immédiate de tous les prisonniers du mouvement populaire » du Hirak. En réponse aux critiques, les autorités marocaines ont toujours assuré que le processus judiciaire était en tout point conforme aux normes internationales, en soulignant que la justice était indépendante. « Certains ont dit que les sentences étaient sévères. Sur quel critère? D’un point de vue affectif, un jour en prison c’est beaucoup. Mais pas selon la loi. Tous les pays prévoient des peines lourdes pour la mise à feu volontaire », a souligné Me Kerrout vendredi soir. « Pour le recours en cassation, cela va dépendre de la décision que vont prendre les intéressés », a indiqué Mohamed Aghennaj, un avocat de la défense.
La protestation populaire du Hirak a été déclenchée par la mort, en octobre 2016, d’un vendeur de poissons, broyé dans une benne à ordures en tentant de s’opposer à la saisie de sa marchandise.
Afp