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Saïd Saadi : « le drapeau amazigh flottant à côté de l’emblème national préfigure la nouvelle nation plurielle et solidaire »

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L’ex président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) Saïd Saadi a commenté les marches contre le système du sixième vendredi consécutif. Saïd Saadi a participé aux manifestations à Tizi-Ouzou.

Voici son texte publié sur sa page Facebook:

« Quand la mémoire parle à l’histoire.

Après avoir participé aux premières marches à Alger, j’ai répondu aujourd’hui à l’invitation de certains amis et camarades, animateurs du printemps d’avril 80, qui ont voulu rappeler les origines du combat démocratique et pacifique à Tizi Ouzou, c’est à dire sur le même trajet qui a accueilli les premières manifestations citoyennes de l’Algérie indépendante et sur les lieux où fut exercée une répression sauvage contre, notamment, des étudiants surpris en plein sommeil.
Que de chemin parcouru depuis ! Beau moment de convivialité sur fond de mémoire vertueuse.
Quand nous avions lancé l’idée du combat pacifique en avril 1980, beaucoup nous regardaient avec ironie ou compassion tant la méthode apparaissait illusoire, naïve voire suicidaire face à un pouvoir qui avait fait de la violence sa religion.
Nous étions partis pour subir de lourdes peines de prison voire des exécutions capitales. Nous avions attenté à des dogmes et des rites décrétés irréversibles. C’est une mobilisation populaire massive et généreuse, semblable à celles qui se déroulent aujourd’hui sur l’ensemble du pays, qui, pour la première fois, a fait reculer le pouvoir provoquant notre libération. Avril 80 fut une répétition générale qui annonçait trente neuf ans auparavant le miracle qui enchante la nation et enthousiasme le monde actuellement.

Moment fort en émotion et riche d’enseignements devant le portail de l’université Mouloud Mammeri où des jeunes se pressaient autour « des vétérans », qui pour un selfie, qui pour déclarer à la cantonade que son éveil et son engagement politiques sont une résonance de ce printemps qui a fissuré la peur et défié la pensée unique.

Il y avait là Hend Sadi et Arab Aknine, deux des quatre personnes qui ont invité l’illustre écrivain pour donner sa conférence et dont l’interdiction fut le détonateur du printemps amazigh, le Dr Mouloud Lounaouci et Arezki Kecili qui, avec d’autres, ont occupé le secteur sanitaire afin d’impulser la contestation hors des cercles universitaires, Ahmed Saadi et Amar Hamadi qui furent parmi les acteurs qui ont sensibilisé puis mobilisé le monde du secteur industriel… Probablement arrivés en retard, j’ai pu ne pas voir d’autres militants noyés dans la foule, qu’ils veuillent m’excuser de ne pas avoir cité ici leurs noms.
Dans cette marée humaine, les contacts et les repérages étaient difficiles sinon impossibles, d’autant que les manifestants tenaient à affirmer leurs slogans avec une vigueur toute particulière. Même déjà observée, la vision a quelque chose d’irréel.
Aujourd’hui encore, comme pour les manifestations précédentes, c’est dans tout le pays que les citoyens appellent au combat pacifique.

Aujourd’hui, c’est aussi dans tout le pays que les mots d’ordre d’Algérie libre et démocratique sont scandés dans des foules colorées, tolérantes et conviviales.

Aujourd’hui, le drapeau amazigh flottant à côté de l’emblème national préfigure la nouvelle nation plurielle et solidaire.

Alors des souvenirs remontent…

Les graines semées en 1980 ont germé. Elles ne viennent pas de nulle part. Des noms et des figures ont traversé nos esprits tout au long de la marche. Ils s’appelaient Benai Ouali, Amar Ould Hamouda ou Mbarek Ait Menguellat, tous liquidés pour cause de vérité et de lucidité précoces. Notre génération a su néanmoins retrouver et honorer les luttes de ces jeunes qui, en 1949, avaient courageusement porté le débat sur cette nation singulière, à nulle autre pareille, et l’Etat spécifique qui doit la configurer. Leur message nous fut précieux pour concevoir et lancer le combat de l’Algérie plurielle, démocratique et sociale, adossée au strict respect des libertés individuelles et collectives. Autant de revendications qui sont reprises aujourd’hui avec ferveur et en conscience.

Il reste à maintenir ce souffle de l’espoir pour faire plier un régime qui ne désespère toujours pas de venir à bout de l’insurrection citoyenne qui lui signifie chaque semaine sa fin de mission. Vitale, cette énergie est le seul potentiel de combat dont dispose le peuple algérien. Il est capital qu’elle s’affine, se renforce et perdure.

Ce vendredi était, en effet, exceptionnel car il était essentiellement destiné à donner une réponse au chef d’Etat major que des partis croupions, qui ne réalisent pas qu’ils sont déjà des déchets de l’Histoire, s’empressent d’encenser, le considérant comme le nouveau roi.
Désormais, l’armée, ou ceux qui parlent encore en son nom, doivent apprendre à considérer cette institution comme n’importe quelle autre et qu’à ce titre, elle devra se soumettre au contrôle de la représentation nationale légitime à venir. Et l’esprit de cette exigence remonte à loin. C’est le reniement de la primauté du civil sur le militaire qui a fait de la maison Algérie une prison à ciel ouvert.

Importantes, les avancées engrangées jusque là demeurent, cependant, fragiles. Rien n’est acquis

Les combats historiques qui ont abouti sont ceux qui ont su faire fructifier les luttes et les expériences du passé. Quand la mémoire vertueuse inspire l’Histoire en marche, les révolutions sont généralement accomplies.

Ce 29 mars, nous sommes un certain nombre à avoir eu la chance de vivre en direct ce moment privilégié. »

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