« Il y a toujours la menace de dislocation du lien national », estime l’historien Benjamin Stora, interrogé par le magazine « Ouvrez le 1 », diffusé sur Franceinfo (canal 27), s’exprimant sur la situation en Algérie.
Selon lui, l’Algérie est un pays-continent grand comme cinq fois la France, une mosaïque de pays additionnés, comme le disait déjà Pierre Bourdieu en 1960.
Ce spécialiste de l’Algérie analyse la situation dans le pays et pense qu’il y a beaucoup d’hommes « y compris à l’intérieur du système, qui sont prêts à moderniser et à passer à une autre forme d’organisation de la société ».
« Ce qui me frappe dans les manifestations et les fêtes qu’on voit, poursuit le président du Musée national de l’histoire de l’immigration, c’est que tout converge pour faire sens sur la nation. Ce n’est pas du tout vers une dislocation régionaliste, vers une affirmation d’autonomie particulière. C’est cela qui est étonnant dans le mouvement qui existe », a-t-il déclaré en ajoutant « On a une réappropriation d’une sorte de roman national confisqué. ‘L’indépendance confisquée’, pour reprendre le titre du célèbre livre (éd. Flammarion, 1984) de Ferhat Abbas, premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en 1958. Le pouvoir a déjà bougé, il n’est plus maître du jeu. Bouteflika n’est plus maître du jeu. Le centre de gravité du pouvoir s’est complètement détaché ».
Alors, qui est le maître du jeu ? s’interroge-t-il en répondant « L’armée n’est pas dépossédée. On observe à la loupe la moindre déclaration de Gaïd Salah [vice-ministre de la Défense]. Il essaie de faire corps avec le peuple en mouvement, pour aller vite. Cela veut dire qu’il n’y a pas pour l’instant d’homme fort qui peut se détacher. Dans les processus révolutionnaires, le premier qui sort la tête est dégagé. Beaucoup d’hommes politiques hésitent, attendent. Mais il y en a beaucoup, y compris à l’intérieur du système, qui sont prêts à moderniser et à passer à une autre forme d’organisation de la société».