C’est une alliance qui a fait ses preuves : ensemble, Russie et Opep sont parvenus à reprendre le contrôle d’un marché du pétrole en pleine déroute.
Suffisamment pour les convaincre, deux ans plus tard, de poursuivre leur coordination, tout en gardant leurs distances. L’époque paraît loin où Moscou et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, menée par l’Arabie saoudite, s’accusaient mutuellement de l’effondrement des prix du baril, destructeur pour leurs économies.
Après s’être mis d’accord fin 2016 pour limiter ensemble leur offre (qui représente au total la moitié de la production de la planète), les membres de cette alliance informelle baptisée « OPEP+ » se rencontrent régulièrement sans que les portes ne claquent.
Le 18 mars, des représentants doivent se retrouver dans l’ambiance feutrée d’un hôtel de Bakou pour faire le point sur leurs mesures, valides jusqu’en juin, et éventuellement proposer leur prolongation, en vue d’une réunion officielle prochainement à Vienne.
Ils devraient également discuter de la manière de formaliser sur le long terme leur alliance, qui a redonné du lustre à l’OPEP au moment où elle semblait en perte de vitesse, et garanti une nouvelle influence à la Russie, arbitre du marché pétrolier.
Le pacte conclu entre l’Organisation assise sur un tiers de la production mondiale et une dizaine d’autres pays non membres, dont la Russie, n’avait pourtant rien d’une évidence, après des années de course aux parts de marché aboutissant à une offre surabondante. « L’OPEP avait pratiquement cessé de fonctionner« , explique Rouslan Tankaïev, expert auprès de l’Union des producteurs d’hydrocarbures de Russie. « Sa seule chance de retrouver sa capacité à réguler le marché mondial du pétrole était d’étendre de manière significative l’alliance« .
De son côté, Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS, rappelle que les relations entre Russie et OPEP n’ont « pas toujours été faciles« : « L’OPEP considérait la Russie comme un passager clandestin, qui tirait profit des efforts des autres. Avoir fait durer cette coopération est déjà un vrai résultat« .
Avec la Russie –l’un des premiers producteurs du monde avec les États-Unis et l’Arabie saoudite— et ses autres alliés, l’OPEP+ représente une force de frappe capable de maintenir les prix à un niveau suffisant pour leur assurer de confortables rentrées budgétaires sans pour autant entraîner un boom des forages aux États-Unis. « La part de l’OPEP va diminuer dans les 20-30 prochaines années, les Saoudiens en ont conscience. Face au nouveau poids lourd américain, Moscou et Ryad ont tout intérêt à s’entendre a minima pour garder le prix du baril à 60-70 dollars, cela rend certains projets américains caducs« , estime Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe. « De plus, l’Arabie saoudite et la Russie ont tous deux un agenda domestique qui nécessite d’importants fonds« .
Si l’OPEP, et en premier lieu l’Arabie saoudite, a clairement exprimé son envie d’inscrire la coopération dans une durée plus longue, la Russie semble se faire désirer. Elle sait pourtant ce qu’elle doit à cette alliance : la chute des prix du pétrole –associée aux sanctions occidentales imposées à partir de l’annexion de la Crimée– a provoqué une profonde crise économique en 2015-2016.
Sa position d’interlocuteur privilégié de l’OPEP permet aussi à la Russie de s’affirmer sur le terrain énergétique par rapport aux États-Unis, tout en jouant les intermédiaires entre les autres. « Dans l’alliance, il n’y a qu’un seul pays qui ait des relations amicales avec tout le monde. C’est la Russie« , indique Rouslan Tankaïev, soulignant les relations tendues entre l’Iran et l’Arabie saoudite d’une part, et le Venezuela et l’Arabie saoudite d’autre part.
En décembre, l’OPEP a d’ailleurs failli finir sa réunion sans accord en raison des tensions entre Ryad et Téhéran. Les observateurs du marché ont souligné le rôle du ministre russe de l’Energie, Alexandre Novak, pour mettre tout le monde d’accord à la dernière minute.
Mais pour la Russie, pas question de devenir membre à part entière de l’OPEP. « La Russie a toujours tenu à garder une distance avec l’OPEP, en distinguant coopération et intégration« , souligne Francis Perrin. « Devoir soumettre le niveau de sa production nationale à l’OPEP, c’est très contraignant » d’autant que la Russie comporte des dizaines de sociétés pétrolières
Afp