Après trois semaines d’une campagne animée, malgré un nombre inhabituellement bas de candidats, plus de six millions de Sénégalais votent dimanche pour reconduire le président sortant Macky Sall ou lui préférer un de ses quatre adversaires.
Fort de la statistique qui a vu tous ses prédécesseurs effectuer au moins deux mandats, Macky Sall, 56 ans, veut piloter pour les cinq prochaines années la deuxième phase (2019-2023) de son plan Sénégal émergent et même l’emporter dès le premier tour, une prouesse réussie uniquement par son ancien mentor, Abdoulaye Wade (2000-2012). Ses concurrents, rescapés du nouveau système de parrainages et des décisions judiciaires qui ont éliminé des rivaux de poids, espèrent bien contrarier ses ambitions, à commencer par l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, 59 ans, et le député « antisystème » et ex-inspecteur des impôts Ousmane Sonko, 44 ans, qui ont tous deux prophétisé sa chute dès dimanche soir.
Près de 6,4 millions d’électeurs sont attendus dès 08h00 dans plus de 6.500 bureaux de vote répartis au Sénégal ainsi que 310.000 dans la diaspora. Les premiers résultats sont attendus dès la fermeture des bureaux à 18H00 GMT, mais ne deviendront officiels qu’à partir du 25 ou du 26 février. Un éventuel second tour, compte tenu des délais légaux de proclamation, de possibles contestations et de la nouvelle campagne, se tiendrait vraisemblablement le 24 mars.
Les journaux ont titré samedi sur « l’heure du choix » ou le retour de la parole au peuple, qui aura écouté pendant trois semaines les candidats dérouler leur programme.
Pour la première fois depuis 1978, ni le Parti socialiste ni le Parti démocratique sénégalais (PDS, libéral) d’Abdoulaye Wade, ne présentent leur propre candidat. Mais la famille libérale est particulièrement bien représentée, avec Macky Sall, Idrissa Seck et l’ancien ministre Madické Niang, 65 ans, tous trois issus du PDS. Tous deux élus députés en 2017, Ousmane Sonko, partisan déclaré du patriotisme économique, et le président d’université privée Issa Sall, 63 ans, proche d’un mouvement religieux issu de la puissante confrérie tidiane, font en revanche figure de nouveaux venus sur la scène politique nationale.
Le Sénégal, qui a connu deux alternances, en 2000 et en 2012, et aucun coup d’Etat, fait figure de modèle démocratique en Afrique, mais les campagnes électorales y sont souvent émaillées d’accusations de corruption, de désinformation et de violences.
Des affrontements ont fait deux morts le 11 février à Tambacounda, à 420 km à l’est de Dakar, entre partisans de Macky Sall et d’Issa Sall, et les « caravanes » des candidats sillonnant le pays ont parfois été accueillies par des jets de pierres.
Les autorités ont annoncé le déploiement de 8.000 policiers et gendarmes en tenue dans les agglomérations urbaines le jour du vote, ainsi qu’un nombre indéterminé d’agents en civil.
Selon le ministère de l’Intérieur, quelque 5.000 observateurs, dont près de 900 de missions étrangères, surveilleront le bon déroulement des opérations. L’opposition a dénoncé l’invalidation des candidatures de Karim Wade, fils et ancien ministre d’Abdoulaye Wade (2000-2012), et du maire déchu de Dakar, Khalifa Sall, dissident du Parti socialiste (PS), tous deux frappés par des condamnations judiciaires, ainsi que le système de parrainages.
Candidat pour la troisième fois, Idrissa Seck est apparu comme le principal bénéficiaire de cet écrémage puisque Khalifa Sall a annoncé de sa prison lui apporter son soutien et que la plupart des 20 recalés du parrainage se sont ralliés à lui. L’ex-président Wade, qui dès son retour au pays en début de campagne avait appelé à brûler le matériel électoral, avant de plaider cette semaine pour « une résistance somme toute ferme mais pacifique », n’a en revanche pas donné de consigne de vote, mais plutôt de « ne pas participer à ce simulacre d’élection » confisquée selon lui par Macky Sall.
Le Sénégal, pays musulman à plus de 90%, réputé pour sa tolérance religieuse et le poids des confréries, a jusqu’à présent été épargné par les attentats jihadistes qui ont frappé d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Mais il a renforcé sa sécurité ainsi que sa législation, parfois au prix d’atteintes aux libertés, selon des organisations de défense des droits humains
Afp