Le « think Tank » CARE a planché mardi dernier au Sofitel d’Alger sur la question centrale de la qualité des institutions comme principal vecteur et garantie de mise en œuvre optimale des facteurs de production dans l’optique d’une indispensable diversification de l’économie. Face à un auditoire nombreux et de qualité, l’économiste au Bureau pour l’Afrique du Nord de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique, monsieur Zoubir Benhamouche, s’est évertué à prouver chiffres et constats de benchmark à l’appui, qu’il est possible pour un pays en proie à une forte « détresse budgétaire » comme le notre, de s’en sortir sans trop dépenser en agissant seulement sur la qualité des institutions qui encadrent et régulent l’économie en général et les entreprises, en particulier.
Toute la problématique consiste, affirme t-il en substance, à agir sur les institutions qui ont une influence sur les divers déterminants de l’économie pour mettre fin aux distorsions qui perturbent les acteurs économiques, assombrissent le climat des affaires et tirent en conséquence, les performances productives et la croissance économique vers le bas.
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Il ne s’agit, évidemment pas, de faire table rase des institutions existantes, mais d’effectuer les réglages et transformations qui s’imposent, à la faveur de réformes qu’il faudra engager avant que la situation globale des entreprises et de l’économie globale ne se dégradent de façon irrémédiable. Le conférencier définie les transformations structurelles qu’il y a lieu d’entreprendre comme un processus de réallocation des facteurs de production des secteurs les moins productifs vers les secteurs les plus productifs. « C’est de la qualité des institutions chargées de mettre en œuvre ces changements que dépendra précisément l’efficience des modifications qui seront opérées au profit des secteurs et entreprises concernées » insiste t-il. Selon que la qualité des institutions qui encadrent les changements sera bonne ou mauvaise, les résultats seront bons ou décevants. C’est dire toute l’importance que les réformateurs doivent accorder aux diverses institutions qui pilotent l’économie, chacune ayant un rôle primordial à jouer dans le processus de résurrection d’un mode de production qui a, de par ses maigres résultats et sa manière archaïque de fonctionner, atteint ses limites.
Le conférencier ouvre de nombreuses pistes de réformes possibles pour accroitre la qualité des institutions auxquelles pourraient être confiées l’encadrement de l’économie, en général, et des entreprises, en particulier, en vue d’une diversification salutaire pour un pays qui ne peut compter éternellement sur ses seules ressources d’hydrocarbures. Les ressources pétrolières en déclins qui devraient impérativement l’orienter vers d’autres possibilités de croissance en valorisant, notamment, d’autres ressources et d’autres moyens, à l’instar de ceux qu’offrent la profusion de nouvelles technologies.
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Du débat très animé qui a suivi la conférence on retiendra, pêle-mêle, les questions suivantes : qu’est ce qu’une institution de qualité ? Les institutions étant les produits de la loi, faut-il réformer la manière dont elles sont gérées ou réformer la sphère politique (gouvernement, parlement) qui impose des orientations mal inspirées aux institutions ? Peut-on réformer positivement des institutions dans le contexte de mauvaise gouvernance actuel ? Le « capitalisme de copinage » permet-il aux institutions de disposer de réels pouvoirs d’encadrement, de réforme et de contrôle sur les entreprises proches du pouvoir ? Autant de questions parmi d’autres qui ont animé le débat sans évidemment apporter de solutions opérationnelles. La qualité des institutions qui encadrent l’économie est, on l’a compris, étroitement dépendante de la qualité de la gouvernance politique du pays. Dans l’état actuel des choses, nul n’est malheureusement en mesure de prévoir, notamment à quelques mois du prochain scrutin présidentiel, dans quel sens tournera le vent. Si l’orientation bureaucratique et rentière venait à perdurer, nos institutions n’auront évidemment que le choix du statu quo qui continuera à affecter négativement la qualité des institutions plus que jamais aux ordres des tenants de l’immobilisme.
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L’économiste émérite et expert en relations internationales, Mouloud Hédir, fut le second conférencier à se lancer sur cette question centrale de la qualité des institutions qui, dans les nombreux cas où elle fait défaut, contribue à rendre les résultats macro-économiques plus opaques et les axes de réformes à entreprendre incertains. C’est ce qu’à prouvé le conférencier en mettant en exergue quelques chiffres de la Banque d’Algérie qui mettent en évidence les graves errements du gouvernement en matière d’endettement que les transferts sociaux ruineux, l’émission massive de monnaie (5192 milliards de dinars en 2018) et l’endettement faramineux auprès de la Sonatrach et de la Sonelgaz (1500 milliards de dinars) ont propulsé à niveau jamais égalé depuis l’indépendance du pays. Il a également mis en évidence un manque flagrant de transparence en matière budgétaire en mettant notamment le doigt sur certaines dépenses qui ne sont budgétées qu’une fois consommées (cas de l’assainissement financier des EPE). Comment fonder des institutions de qualité si ces dernières ne sont même pas en mesure d’accéder à ces données de base qu’on devrait logiquement trouver sur les sites internet des institutions concernées, s’interroge à juste raison Mouloud Hedir.