Cette année 2019 sera le théâtre de batailles féroces pour l’accession au pouvoir dans des pays africains majeurs. De la RDC au Nigéria, en passant par la Libye ou l’Afrique du Sud, tour d’horizon des principaux enjeux électoraux africains de 2019 ?
RDC : la fin de l’ère Kabila ?
La République Démocratique du Congo (RDC) est probablement le pays dont les actualités électorales attireront le plus les regards du monde entier au cours des prochains jours. Si les élections sénatoriales du pays doivent se tenir le 6 mars 2019, c’est surtout les élections présidentielles, initialement prévues pour le 23 décembre 2018, qui cristalliseront les attentions. Alors que Joseph Kabila, qui dirige la RDC d’une main de fer depuis 2001, ne se représentera pas, de nouveaux acteurs se sont positionnés sur l’échiquier politique du pays d’Afrique centrale.
D’un côté, une coalition née d’un rapprochement entre le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) Vital Kamerhe, et le candidat de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) Félix Tshisekedi, se veut le principal adversaire du régime en place. La coalition Lamuka du candidat Martin Fayulu a également annoncé son intention de briguer la présidence du pays. Ceci malgré son affaiblissement consécutif au retrait de Félix Tshisekedi et de Vital Kamerhe de l’accord de Genève, signé en novembre dernier. Le candidat reste soutenu par deux poids lourds de la politique congolaise : Jean-Pierre Bemba et de Moïse Katumbi. Les récentes actions et déclarations du député pour se positionner sur l’échiquier politique national laissent penser qu’il pourrait jouer les trouble-fêtes lors du prochain scrutin. Enfin, l’acteur surprise du prochain feuilleton électoral en RDC, l’ancien ministre de l’intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, est lui adoubé par Joseph Kabila et tout le pouvoir en place.
Si les trois principaux prétendants au titre semblent déterminés à tout mettre en œuvre pour atteindre leur but, les observateurs s’interrogent surtout sur la capacité du pays à organiser ces élections cruciales, plusieurs fois reportées par le passé. La date du 23 décembre prochain qui semblait de plus en plus illusoire, vient encore une fois d’être reportée, cette fois pour le 30 décembre. Si elle voyait un candidat d’opposition obtenir le plus de suffrage, et le pouvoir sortant accepter sa défaite, cette élection deviendrait la première transition démocratique du pays de Lumumba. Mais pour l’instant, le principal défi reste de tenir ces élections dans des conditions acceptables, sans contestations violentes, ni effusions de sang.
Nigéria : les tribulations de Muhammadu Buhari
Malgré un bilan mitigé et une santé chancelante, « l’incorruptible » Muhammadu Buhari a annoncé son intention de briguer un nouveau mandat en 2019.
Pourtant, l’opinion publique semble de moins en moins en accord avec celui qui avait promis d’éradiquer le problème « Boko-Haram », de faire grimper la croissance économique, de réduire le taux de chômage et d’éliminer la corruption. Alors qu’il laisse une économie marquée par une dette croissante (plus de 51% du PIB) et une situation sécuritaire inquiétante, l’ancien militaire pourrait bénéficier d’un soutien populaire beaucoup plus faible qu’en 2015 lorsqu’il est arrivé au pouvoir.
A 75 ans, le président Muhammadu Buhari qui, envers et contre tout, a réussi à se faire reconduire en tant que candidat du Congrès des Progressistes (APC) pour l’élection présidentielle du 16 février prochain, devrait affronter son ancien vice-président Atiku Abubakar. Ce dernier qui avait claqué la porte de l’APC en décembre 2017, avait rejoint le parti populaire démocratique (PDP), principal parti d’opposition. Plus récemment il avait réussi à remporter les primaires pour représenter le parti de l’ancien président Goodluck Jonathan aux prochaines élections.
Après une vague de lourdes défections au sein de son parti, les experts s’accordent sur le fait que le prochain scrutin est loin d’être joué d’avance pour le président Buhari. Dans tous les cas, quelques soit le vainqueur, c’est un énorme chantier économique, social et sécuritaire qui attend le président du pays le plus peuplé d’Afrique, première puissance économique du continent.
Tunisie : l’acte 2 du renouveau démocratique
A la fin 2019, ce sera au tour de la Tunisie d’élire son prochain président de la République. Si cette élection présidentielle, la douzième de l’histoire de la Tunisie s’annonce aussi importante, c’est d’abord parce qu’elle ne constitue que la deuxième élection présidentielle au suffrage universel, libre et démocratique du pays, depuis la révolution de jasmin. Ainsi, il s’agira pour le peuple tunisien de montrer qu’il a conservé les acquis de 2011, et qu’il s’inscrit dans le cercle des pays démocratiques, ce qui constitue une exception dans le monde arabe.
D’un autre côté, cette élection est d’autant plus importante que la population tunisienne en attend une amélioration rapide de la situation économique du pays.
En effet, depuis la chute de l’ancien président Ben Ali, les différents gouvernements qui se sont succédés n’ont pas réussi à redresser une économie plombée par une croissance au ralenti, une inflation galopante et un taux de chômage élevé (15,4% de la population active au deuxième trimestre 2018). Même si certains secteurs clés de l’économie connaissent une embellie relative, à l’image du tourisme qui a enregistré une hausse de 40,5% sur les onze premiers mois de l’année en cours, les principaux indicateurs macroéconomiques du pays sont encore loin d’être au vert.
S’il décide de se représenter, le président en exercice Beji Caïd Essebsi (92 ans), devra d’abord fédérer les opinions au sein de son propre parti Nidaa Tounès, affaibli par une lutte de pouvoir entre son propre fils, Hafedh Caïd Essebsi, et le premier ministre Youssef Chahed. Ceci avant même d’affronter son adversaire direct, le parti d’inspiration islamiste Ennhada.
Afrique du Sud : baptême de feu pour Cyril Ramaphosa
2019 est également l’année où l’économie la plus industrialisée d’Afrique, connaîtra l’une des échéances électorales les plus importantes de son histoire.
Affaibli par le mandat calamiteux de son ancien leader, le président Jacob Zuma, le grand parti politique d’Afrique du Sud, l’African National Congress (ANC) devra désormais sortir le grand jeu pour reconquérir des électeurs déçus par les nombreux scandales de corruption qui ont ébranlé le pays. Avec à sa tête le nouveau président Cyril Ramaphosa, le parti historique de Nelson Mandela veut redorer son blason.
Pour cela il faudra encore composer avec le parti de l’Alliance Démocratique, principal parti d’opposition dont les suffrages pourraient augmenter dans un contexte de perte de confiance des Sud-africains envers l’ANC. Si le parti des Economic Freedom Fighters (EFF) de Julius Malema, a montré qu’il était favorable aux réformes de Cyril Ramaphosa, ce dernier devra encore convaincre une base électorale qui attend des réformes concrètes dans un pays où le taux de chômage atteint les 27,2%.
Libye : la fin de la crise ?
Traversé par un chaos sans précédent, consécutif à la chute de l’ex-guide libyen Mouammar Al-Kadhafi en 2011, la Libye pourrait, à partir de 2019, sortir de la spirale d’insécurité et du marasme économique où elle s’est embourbée.
Initialement prévue pour se dérouler le 10 décembre 2018, le pays devrait finalement connaître de véritables élections présidentielles l’année prochaine, tel qu’il a été convenu à l’issue de pourparlers organisés par la communauté internationale, entre les différents acteurs de la crise, notamment le général Khalifa Haftar, et Fayez El Sarraj, le président du conseil présidentiel (reconnu par l’ONU). Cette élection devrait être précédée d’un référendum sur une nouvelle constitution, qui devra être approuvé à la majorité absolue dans chacune des trois régions historiques du pays (Tripolitaine, Fezzan et Cyrénaïque) et recueillir un minimum de deux tiers des voix au niveau national, en accord avec un amendement constitutionnel voté le 26 novembre 2018 à la Chambre des représentants de Tobrouk.
Si elle réussit à se tenir dans des conditions optimales, cette élection marquera un grand coup dans la mise en œuvre du plan de redressement économique, social, politique et sécuritaire du pays.
Ecofin