AccueilActualitéLes entreprises peinent à recouvrir leurs créances : l’enfer des retards des paiements

Les entreprises peinent à recouvrir leurs créances : l’enfer des retards des paiements

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En dépit des moyens financiers dégagés par la planche à billets, des milliers d’entreprises peinent à recouvrer les créances qu’elles détiennent au prés de l’Etat et des collectivités locales. La loi de finances pour l’année 2017 avait effectivement dégagé 400 milliards de dinars pour régler les factures impayées, mais les lourdes procédures imposées aux comptables payeurs (Trésoriers de wilayas et Receveurs des contributions diverses) ont en retardé la mise en œuvre. Les retards de paiements sont vécus par les entreprises concernées comme un « véritable enfer », pour reprendre cette expression tout à fait appropriée, d’un entrepreneur du bâtiment venu nous faire part de ce problème qui risque d’hypothéquer l’avenir de sa société.

Ils sont en réalité des milliers d’entrepreneurs à se plaindre de ne plus être en mesure de payer leurs salariés, régler les factures de leurs fournisseurs qui ont, dans de nombreux cas, cessé de les approvisionner. Ils n’arrivent également pas  honorer leurs dettes sociales et fiscales ce qui, bien souvent, les expose à des pénalités cumulatives.  Leurs bilans comptables qui se déstructurent progressivement risquent de les mener à terme à la faillite, préviennent les entrepreneurs les plus gravement affectés par ces défaillances de paiement.

Ce sont, en effet, entre 30. 000 et 35. 000 petites et moyennes entreprises de bâtiment et travaux publiques, qui se trouvent en situation de détresse en raison d’une accumulation sans précédent d’impayés provoqués par les ruptures de crédits de paiement qui affectent les collectivités locales (wilayas et communes), pour le compte desquelles, elles avaient réalisés des logements, des routes et des équipements collectifs.

Les entreprises du secteur du bâtiment, des travaux publics et de l’hydraulique (BTPH) sont les premières à subir les conséquences des restrictions budgétaires que le gouvernement, pris de court par la baisse des recettes d’hydrocarbures, avait été obligé de prendre en 2016. Elles sont très nombreuses à se plaindre de leur incapacité à recouvrer les créances qu’elles détiennent auprès du Trésor et des receveurs des contributions diverses.

Une situation qui rappelle celle des années 1990, période durant laquelle l’accumulation des créances avait valu aux entreprises publiques de BTPH des milliers de faillites et plus de 500 000 mises au chômage. «Les prémices d’un net ralentissement d’activité dans le secteur névralgique du BTPH sont là et il faut être aveugle pour ne pas les voir», nous apprenait, il y a quelques mois déjà, un patron d’entreprise nationale, qui avait pleinement vécu la période en question. «La casse sera inévitable pour la plupart d’entre nous, si l’Etat ne met pas rapidement la main à la poche pour payer ce qu’il nous doit ». Pris à la gorge par la banque qui ne veut plus lui accorder de crédits (découvert), il ajoute non sans amertume, « Nous avons, de par loi, le droit d’exiger des intérêts moratoires mais nous ne le feront pas. Nous exigeons seulement qu’il règle très rapidement nos créances ».

Corroborés par les propos d’autres chefs d’entreprise et syndicats qui ont eu à s’exprimer ces derniers jours dans la presse, il y a effectivement unanimité sur cette périlleuse réalité d’un danger qui fait craindre aux entrepreneurs de BTP une véritable débâcle, si rien de concret n’est fait dans les tout prochains jours.

Les signes avant-coureurs de l’inéluctable effondrement vers lequel ils s’acheminent sont en effet déjà en place et il faudrait être aveugles pour ne pas les voir : baisse vertigineuse de leurs avoirs en banque, hausse démesurée de leurs dettes, retards de paiement de salaires et avertissements fiscaux et sociaux. Faute d’argent, ces entreprises ne sont généralement plus en mesure de tenir leurs engagements contractuels que l’Etat, feignant de ne pas voir les problèmes qu’il leur a lui-même créés, continue à exiger d’elles en leur infligeant des avertissements souvent suivis de pénalités de retard.
Des refus de livraison de marchandises par leurs fournisseurs attitrés sont déjà signalés et il est à craindre que les difficultés financières des entreprises de réalisation causent des fermetures en cascade d’entreprises de matériaux de construction et de matériel de BTP qui vivent de leur commerce avec les entreprises de construction. Face aux difficultés de recouvrement de leurs créances que les trésoriers des wilayas et les receveurs des communes gèlent avec encore plus de zèle que par le passé, l’espérance de vie des entreprises du BTPH, qui ne bénéficieront pas d’un soutien rapide et durable, sera à l’évidence très courte.

Ce sont, bien entendu, les sociétés privées réellement soumises à l’obligation de résultats qui en feront les frais, puisque les entreprises nationales et les grosses sociétés privées sont assurées d’obtenir les découverts bancaires, les facilités de crédit et de nouveaux marchés qui leur permettront d’échapper à cette tourmente qui affectera surtout «les petits» qui sont malheureusement les plus nombreux.

Mais en réalité, le malaise est perceptible, aussi bien chez les opérateurs publics que chez les privés, qui constatent tous que, non seulement, les effets précurseurs d’un effondrement du secteur sont bel et bien présents, mais qu’ils arrivent en même temps que des faits particulièrement aggravants que sont la dérive du dinar, l’envolée des prix des matériaux de construction (à plus de 60% importés), la chute de la rentabilité du travail et l’omniprésence d’une bureaucratie étouffante et de plus en plus corrompue. Quand autant de conditions défavorables sont réunies, la faillite des entreprises du bâtiment, et plus largement celle de l’industrie de la construction toute entière, devient une «fatalité structurelle», pour reprendre le propos plein de sagesse d’un patron de bureau d’études d’architecture.

 

La question ne se pose évidemment pas comme au temps de la crise économique de 1990, à l’époque où tout dépendait du budget de l’Etat et des entreprises publiques, le privé n’existant pratiquement pas. Avec l’avènement de l’entrepreneuriat privé, les choses ont évidemment beaucoup changé et la présence d’importants capitaux privés pourrait être mise à contribution pour la prise en charge d’une part non négligeable de la construction de logements et équipements sociaux, autrefois réservée uniquement à l’Etat.

La construction de logements de divers segments (social, promotionnels, luxueux, etc.) pourrait à titre d’exemple être réservée aux promoteurs privés, à charge pour l’Etat de fixer les conditions de leur intervention, mais aussi et surtout de leur céder à des prix mutuellement négociés les terrains à bâtir. Il y aura à l’évidence péril en la demeure si l’Etat régulateur ne réagit pas aussi rapidement que possible face à l’orage qui s’annonce. Sa réaction consistant à dégager des crédits de paiement pour solder une infime partie des créances peut certes soulager les entrepreneurs les plus exposés à la faillite, mais cela ne peut en aucun cas constituer la solution idoine, ne serait-ce que du fait de la situation de provisoire qu’elle crée.

L’inconfort du provisoire et la persistance du mode de paiement bureaucratique ne sont effectivement pas de nature à encourager l’entrepreneuriat dans le secteur du BTPH, et encore moins, l’investissement. Pour toutes ces raisons objectives, il est à craindre que le maigre tissu d’entreprises de BTPH qui subsiste (à peine 35.OOO PME) disparaisse, avec tout le cortège de misère et d’instabilité sociale que cela impliquerait.

 

 

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