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Les exportateurs à l’épreuve des dures réalités du terrain

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Il ne faut assurément pas trop compter sur les banques publiques algériennes pour faciliter la vie aux exportateurs. Elles traînent, pratiquement toutes, les habitudes héritées de l’époque socialiste période durant laquelle le commerce extérieur était l’affaire de l’Etat et, non pas, celle des entreprises elle devrait l’être aujourd’hui. Jusqu’au début des années 90 les contrats d’importation comme ceux relatifs aux exportations étaient en effet négociés et conclus par les ministères concernés, les entreprises étant reléguées au rang de simples exécutants. L’abolition du monopole de l’Etat sur le commerce extérieur et l’autonomie de gestion accordée aux entreprises économiques publiques, n’ont malheureusement pas eu d’effets salvateurs sur l’archaïsme des banques et l’environnement juridique, qui ont continué a fonctionner, non pas comme des facilitateurs, mais comme des facteurs bloquants incapables de sortir de leurs carcans bureaucratiques. Il faut dire que la pénalisation de l’acte de gestion dont de nombreux banquiers ont eu à pâtir, n’a pas du tout encouragé les prises de risques dans le système bancaire algérien, à défaut desquels, les changements dans l’écosystème de la filière des exportations, ne sauraient survenir.

Les institutions bancaires sur lesquelles repose le destin des entreprises et, notamment, celles qui souhaitaient se placer dans le créneau de l’exportation, sont de ce fait restées en net décalage par rapport à ce que les exportateurs attendaient d’elles. On le perçoit au niveau même de certains guichets de banques, qui n’ont absolument rien changé aux habitudes héritées de l’époque socialiste consistant, aujourd’hui encore, à percevoir les exportateurs comme de potentiels délinquants qu’ils faut à tous prix surveiller et, surtout, soumettre à des procédures fastidieuses. « On doit les soumettre à des procédures et les contrôler à toutes les étapes » nous avoue un responsable d’une agence bancaire qui semble faire de cette surveillance accrue une tache de salut public. Mais faute de procédures et de référents juridiques clairs le contrôle vire bien souvent à l’inquisition, faisant du noble métier d’exportateur un acte économique périlleux que ces derniers payent souvent lourdement en termes de pertes de temps, d’argent et d’énergie. De ce fait, nombreux sont les exportateurs qui abandonnent après une première expérience dont ils gardent le goût amer des brimades, des paperasses inutiles et de la désinvolture des intervenants à tous les niveaux du processus d’exportation, à commencer par les banques sensées leur prêter main forte. La plupart d’entre eux en seront dissuadés dés leur première confrontation à l’hydre bureaucratique et, comme aucune amélioration au niveau du système bancaire n’est venue les encourager à reprendre le fil des exportations projetées, ces dernières sont alors abandonnées au profit de celles, beaucoup plus simples et plus lucratives, de l’importation.

Il est, en effet, rare qu’une banque algérienne considère les exportateurs comme des acteurs économiques à privilégier et à encourager, ne serait-ce, que pour les devises qu’ils sont sensés faire gagner au pays. A aucun moment on ne pensera, par exemple, à leur réserver un traitement particulier consistant à les dispenser des procédures sans importances ou à leur accorder, chaque fois que nécessaire, des priorités. Ces derniers sont assujettis aux mêmes règles et procédures que celles appliquées aux importateurs. A titre d’exemple, la banque exigera de l’exportateur, comme préalable à toute intention de vendre un produit ou un service à l’étranger, de domicilier à son niveau, son projet d’exportation. Ce n’est qu’après cette domiciliation qui requiert la constitution d’un épais dossier administratif, qu’il pourra enfin engager concrètement les demandes liées à son projet d’exportation. Les difficultés de l’exportateur ne s’arrêtent malheureusement pas là, car pour pouvoir se faire payer, il devra impérativement fournir au banquier une « attestation de service fait » sur la base de laquelle il sera autorisé à facturer. C’est une procédure inutile, nous précise un petit exportateur de poissons, qui signale qu’un contrat fixant les conditions de facturation et de paiement est exigé par la banque, comme préalable à toute domiciliation. « Pourquoi  alors exiger une attestation de service fait » ajoute, non sans colère, cet exportateur, occasionnellement rencontré dans une banque algéroise.

Il est malheureusement difficile de répondre à notre interlocuteur, tant nos administrations sont habituées à instaurer les procédures qui leur conviennent sans devoir tenir compte des lois de la république. La bureaucratie bancaire est ainsi faite et les banquiers considèrent qu’il serait dangereux de remettre en cause ce carcan sans être soupçonné de malversation et risquer inutilement la prison. « Les procédures sont ainsi faites, il faut donc les suivre. Si dérogation il y a, elle ne saurait être que l’œuvre d’un  haut responsable », telle est la conviction de ce guichetier de banque que nous avons interrogé sur la question des dérogations quelques fois accordées à certains exportateurs.

L’exportateur qui arrive enfin à exporter au terme de ces fastidieuses procédures, n’est malheureusement pas au bout de ses peines. Un autre écueil l’attend. Il s’agit de celui du paiement et de l’encaissement des produits financiers.  L’argent gagné peut mettre plusieurs mois avant d’entrer dans le compte de l’exportateur ouvert au niveau de d’une banque. Les devises prennent d’abord le chemin de la Banque d’Algérie qui en détient le monopole avant d’atterrir, plusieurs semaines après, à la banque domiciliataire qui ne comptabilisera en devises que la moitié du montant de l’exportation réalisée, le reste étant autoritairement converti en dinars. Une toute récente instruction du gouverneur de la banque d’Algérie autorise, il est vrai, les banques commerciales à domicilier chez elles la totalité des devises issues des exportations, mais on ignore si cette directive a été effectivement mise en application. Il est également bon de signaler que l’exportateur n’a même pas le droit de disposer à sa guise des devises qu’il a légalement gagnées en exportant ses produits. Il est soumis au même titre que tous les détenteurs de comptes en devises, aux mêmes règles d’utilisation, comme si ces devises qu’il a laborieusement gagnées, ne lui appartiennent pas.

Si pour les exportateurs de marchandises, les démarches à accomplir ne sont, comme on le constate,  pas simples, elles sont encore plus compliquées pour ceux qui optent pour l’exportation de services (confection de logiciel, études d’architecture et d’ingénierie etc.). Ils n’ont pour commencer pas droit de recruter et de payer en devises du personnel étranger, notamment les experts qui vont les aider à réaliser des logiciels et autres études d’ingénierie impossibles à effectuer sur place. Pour contourner la difficulté ils s’arrangeront, selon le cas, à les payer devises achetées sur le marché parallèle. Des devises qu’il faudra chaque fois expatrier par des voies illégales, ou, comme c’est le cas le plus répandu, trouver un arrangement avec les clients étrangers qui paieront ces employés en devises qui seront défalquées plus tard du montant des factures de prestation qu’ils adresseront à leurs fournisseur algériens. On imagine tous les abus rendus possibles par ces pratiques opaques, auxquelles les exportateurs de services sont contraints de recourir, du fait de cette législation aberrante. Toutes ces difficultés qui, dans de nombreux cas finissent devant les tribunaux ne sont, par ailleurs, pas de nature à rendre le marché algérien attrayant au regard des étrangers. Ces derniers choisiront et, on peut le comprendre, de s’adresser à des entreprises de pays qui disposent d’un environnement juridique simplifié et favorable aux courants d’affaires. C’est en grande partie ce qui explique la paralysie qui affecte, depuis des décennies, le secteur des exportations.

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