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Mourad El Besseghi, expert financier : « Le financement résultant de la planche à billet est une procédure exceptionnelle »

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Dans cet entretien, l’expert financier, MEl Besseghi réagit aux dernières déclarations du ministre des finances concernant surtout les taxes dans la loi de finances 2019, sur le devenir de la planche à billet ainsi que sur l’érosion des réserves de changes.

 

Algérie-Eco : A l’issue de l’approbation de la loi de finances 2019 par la chambre basse, le Ministre des finances, M. Abderrahmane Raouia a déclaré qu’il n’y avait pas de nouvelles taxes ou impôts supplémentaires à supporter et que les transferts sociaux étaient quasiment maintenus au même niveau que 2018. Qu’est-ce que vous en pensez ?

MEl Besseghi : Il est vrai que le citoyen avait été habitué à des nouveautés à l’occasion de chaque loi de finances, à une série de dispositions fiscales et autres mesures, qui étaient appréhendées, redoutées par la population parce qu’elles étaient en rapport direct avec le porte monnaie et en conséquence le pouvoir d’achat. Cette loi des finances 2019 est paradoxalement sans surprise, atone, alors que le contexte économique est assez particulier. C’est donc une Loi de finances éminemment « sociale », sans profondeur économique, s’inscrivant dans un horizon temporel d’une année, même si des chiffres prévisionnels sur la trajectoire triennale 2019-2021 sont affichés. Il y a comme un changement de démarche, une rupture avec la politique économique menée jusque là et ardemment défendue au cours des dernières années.

Tant mieux pour le citoyen dont le porte monnaie a été mis à rude épreuve. Il observera une halte salvatrice sur la hausse des carburants et autres produits auxquelles un programme d’ajustement des prix avait été engagé depuis quelques années. Rappelons que l’objectif était de les ramener à leurs niveaux réels pour rationaliser la consommation, juguler l’hémorragie à nos frontières et faire reculer la consommation locale de l’énergie qui augmente sensiblement d’année en année, grignotant la part exportable de cette matière.

Bienheureux le consommateur qui continuera de bénéficier de transferts sociaux avec le même niveau sur le soutien des prix à la consommation, de la gratuité des soins, du financement du logement et de l’éducation, etc ….La recherche soutenue d’un meilleur ciblage pour ces subventions qui doivent profiter beaucoup plus aux populations les fragilisées, semble être  reléguée aux calendes grecques. Le projet initié pour reconsidérer la répartition  de ces transferts sociaux ne semble pas être finalisé. Il est certes trop complexe et extrêmement sensible et toute improvisation ou excès de précipitation sur ce sujet serait plus préjudiciable que salutaire en cette année 2019, ou on a besoin de sérénité. En tout cas, le traitement par petite dose en serait certainement la démarche la plus indiquée.

Tant pis pour le budget d’équipement qui diminue de 10,9 % par rapport à 2018 et qui aurait pu tirer le taux de croissance du PIB à un niveau supérieur à 2,9%. Inversement le budget de fonctionnement augmente pour sa part de 8,1 % par rapport à l’année précédente et dépasse singulièrement celui de l’équipement. Il est vrai que les charges du budget de fonctionnement sont plus difficiles à compresser et à rationaliser. Le « rabot » mis en œuvre  depuis 2014 suite à la chute des prix des hydrocarbures semble se poursuivre avec le lot de gel de projets inscrits dans le budget d’équipement.

Certains experts financiers estiment qu’il faut plutôt diminuer le recours à la planche à billet et ne pas l’arrêter d’un seul coup. Qu’en pensez-vous?

Pour combler le déficit de la balance des paiements de 10,4% par rapport au PIB, on ira puiser  à volonté dans le financement non conventionnel qui doit avoisiner actuellement les 4.000 Milliards de dinars au moins. Le recours au financement non conventionnel au cours de la seconde période de l’année sera moins élevé prononcé en raison de l’amélioration des recettes hydrocarbures suite au raffermissement du prix du brut au cours de cette période. Certes, le financement non conventionnel c’est une source intarissable, un instrument qu’on actionnera jusqu’en 2023, mais la dérive risque de provoquer l’overdose dont les conséquences après effet et l’apathie après usage, peuvent être catastrophiques. Les mécanismes de surveillance prévue dans les réformes structurelles a été crée dans le cadre du décret exécutif n 18-86 du 5 mars 2018 visant à rééquilibrer le Trésor public et la balance du paiement et dont la Banque d’Algérie a été chargée, dans ce cadre, d’assurer le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des mesures et réformes du programme arrêté par une commission composée de représentants de la BA et du ministère des Finances. Rappelons que pour rassurer les plus septiques à ce type de financement lors de sa mise en place, il avait été garanti qu’un suivi et une évaluation seraient mis en place et qu’une communication appropriée à l’adresse de la collectivité nationale serait diffusée. En attendant, les inquiétudes des experts et autres intéressés sont légitimes.

Il est évident que le financement résultant à la planche à billet est une procédure exceptionnelle, il s’agit d’un endettement sur soi même, qu’il faudra rembourser d’une manière ou d’une autre. L’impact sur l’inflation, même s’il n’est pas perceptible dans l’immédiat, mais plutôt sera reporté à plus tard. A moins d’engager des réformes structurelles génératrices de plus value qui viendrait édulcoré voire annihiler l’effet sur les prix.

Il y a également le sujet de l’érosion des réserves de change, le ministre des finances Abderahmane Raouya a expliqué lors de sa réponse aux questions des députés sur le projet de loi de finances que cette baisse est due exclusivement au déficit de la balance de paiement au cours des quatre dernières années. Quel commentaire faites-vous dans ce sens?

Évidemment, pour combler le déficit de la balance commerciale, on puisera dans les réserves en devises de façon régulière, qui dégringoleront à 62 milliards de dollars à fin 2019 et ainsi de suite jusqu’à 2022 date limite avant tarissement, à moins que la tendance des prix des hydrocarbures ne prennent de la hauteur.

Or, les remises en cause des grands accords commerciaux dans le monde qui pleuvent l’un après l’autre, les bouleversements politiques avec des sanctions économiques qui tombent sur certains pays producteurs, les retournements de situation de plus en plus fréquents,…. font qu’il est difficile de prédire sérieusement le comportement des cours du brut sur une échéance aussi courte soit elle. A voir seulement le yoyo des prix de ces jours qui ont subitement dévissés après une remontée spectaculaire.

 

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